Si je ne suis pas vraiment conquis par le versant hystérique du film (Le trop-plein de chaque plan, les fausses vidéos souvenirs pour combler, les imitations de pochettes de disques, les apparitions ridicules du personnage sceptique s’adressant face caméra avec ses pancartes « Tout ceci n’a jamais existé » ainsi que les dessins sans intérêt lors des séquences fantasmées) son versant romantique et mélancolique a eu raison de moi. Quand il n’est plus dans la démonstration pour ses fans de rock soviétique aussi amoureux d’influences anglo-saxonnes (Lou Reed, Iggy Pop, Talking heads) il trouve de belles inspirations, de belles suspensions (évoquant dans ses meilleurs instants le Jarmusch de Stranger than paradise) notamment dans le visage de Mike, insondable, avec son regard sans cesse caché sous de grandes lunettes noires. Ailleurs, cet amoureux transi qu’on délaisse aurait été violent ou bien aurait inspiré la pitié, lui c’est autre chose, il est d’une bienveillance absolue. Tout ce qui se joue entre lui, Natacha et Viktor – magnifique triangle amoureux – soit tout l’intime du film, quand il sort de son cadre collectif et de ses morceaux de bravoure, pour n’en garder que cette sève délicate, des silences perdus sous la pluie, des regards volés entre deux couloirs, des petites interactions du quotidien bref des émotions plus étriquées (Ce moment où Mike rejoint Natacha dans le lit en s’y glissant dans un silence magnifique) tout ça m’a beaucoup plu. Même plutôt ému. Bref, c’est un beau film musical, à la fois dans la lignée du Control, d’Anton Corbijn – Ce dernier me touchait davantage parce que Joy Division et parce que d’un point de vue mise en scénique c’est un film irréprochable, débarrassé des petites lourdeurs qu’on trouve dans Leto – et à la fois complètement éloigné des sirènes du biopic puisqu’il se concentre sur un été, aussi doux, solaire, élégiaque qu’il est aussi un peu politique puisque Kirill Serebrennikov demande à observer cet esprit de rébellion clandestin (On s’échange des disques sous le manteau) au sein d’un régime (les concerts contrôlés sinon censurés) soviétique de Brejnev des plus étriqué. Et j’allais oublier Irina Starshenbaum : La plus belle frange de l’année.

JanosValuska
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le 5 mars 2019

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JanosValuska

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