Lettre à Franco, nouveau film de l'espagnol à succès Amenábar, retrace les derniers mois du célèbre écrivain et philosophe que je ne connaissais pas Miguel de Unamuno. Celui-ci a passé son existence à changer d'opinions, passant par tous les partis et tous les courants possibles de la fin du XIXème et du début du XXè siècle. Mais peu importe ses idées, jamais il ne s'est tu. Or, comme on peut s'en douter, c'est toute une vie de croyances que l'arrivée du fascisme va remettre en question.
A travers l'histoire singulière de cette homme, Amenábar questionne en premier lieu l'importance de la parole, de l'expression et de la révolte. Il n'apporte rien de nouveau à ce sujet - même si on peut se poser la question de sa pertinence à la lumière du contexte européen actuel - et ce sont des interrogations mille fois entendues qui nous parviennent : dois-je m'élever contre le régime et suivre mes convictions, au risque de me mettre en danger ainsi que ma famille ? En quoi ma petite voix particulière peut-elle changer le cours de l'Histoire ? Pourquoi s'opposer à une partie quand l'autre commet les mêmes exactions ?
C'est ainsi qu'on suit ce vieil homme, qui est à la fois l'intellectuel qui refuse de reconnaitre ses torts et le grand-père qui subvient aux besoins d'une famille qui l'aime. En bref cet aspect du scénario n'a rien de très original.
J'ai d'avantage apprécié l'autre côté, celui où on voit l'ascension de Franco au sein de la junte dans laquelle il se trouve. Loin du dirigeant dur et inspirant, on y découvre un général mesquin et teigneux, absolument pas charismatique au demeurant, obligé d'utiliser de viles ruses pour parvenir à ses fins. La défaite de Miguel face au Généralissime n'en est que plus révoltante, puisqu'il ne s'agit plus d'un homme qui échoue à convaincre une puissance supérieure de revenir sur ses idées mais bien la défaite de l'intelligence face à un petit être banal et cupide.
A part ça, l'image est propre et assez impersonnel, il y a quelques plans sympas et la bande originale du film est plutôt jolie - quoi que malheureusement trop souvent utilisée pour enfoncer dans nos crânes une émotion un peu factice. Le rythme assez soutenu fait qu'on ne s'ennuie pas, à condition de ne pas trop chercher à savoir ce qu'il va se passer après.
Pour conclure, il s'agit d'un chouette film, certainement pas le meilleur d'Amenábar mais qui a le mérite de participer au devoir de mémoire si cher et si important pour nos amis outre-Pyrénées (et pour les autres aussi d'ailleurs).