Évidemment, on ne peut guère douter de l'inclination du cœur d'Alejandro Amenábar, qui a déjà démontré 20 fois sa sensibilité humaniste de manière indiscutable. Inutile de dire, donc, le peu de sympathie qu'il éprouve lui aussi pour le fascisme à l'espagnole... du coup, il lui faut redoubler de ruse pour ne pas simplement livrer un réquisitoire à charge et égratigner les brutes et les abrutis à chaque plan. Le personnage de Miguel de Unamuno, écrivain respecté bien que versatile, était donc un choix judicieux, puisqu'il a mis (trop) longtemps à cesser de soutenir le soulèvement militaire contre la malheureuse République espagnole, trop moderne, trop précoce, trop visionnaire. Elle heurtait son conservatisme d'intellectuel plan plan et faisait l'objet de critiques virulentes sur son inaptitude à gérer "le réel". Chose dont les pragmatiques fascisants se targuent, confondant autorité et compétence. Autant dire que le débat a fait rage dans "les deux Espagne" et qu'il continue à être d'une brûlante actualité dans le rétrécissement actuel des mentalités, essorées par un programme bien trop cuisant pour leur trame si fragile. Le didactisme n'est donc pas absent des objectifs de ce film structuré en crescendo, s'acheminant irrémédiablement vers une fin que le titre français dévoile prématurément. Au moins, pour une fois, on a traduit un titre, mais le "mientras dure la guerra" espagnol recelait bien davantage d'ironie et d'amertume que l'insipide transcription française. Je ne suis jamais contente, je sais. Reste à signaler des cadrages et des lumières très, très soignés, ainsi qu'un préambule assez malin, qui donne le ton d'entrée de jeu sur le discernement crucial en matière de nuances politiques dans l'histoire qui va être racontée. Une fable moraliste, en fin de comptes, sur l'engagement, la rectitude, l'intégrité, les errements, la brutalité, les calculs politiques, l'opportunisme, la lâcheté et la rédemption, des thèmes importants et loin d'être anodins dans une production contemporaine généralement bien trop consensuelle.

Créée

le 5 janv. 2021

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