Ce qui se présentait comme un ersatz du volet originel de la saga Alien est en réalité un trompe-l’œil qui interroge la menace qu’il met en scène : une menace extraterrestre, certes, mais avant tout une menace humaine, l’homme étant incapable de gouverner son navire spatial et, à défaut, de faire le sacrifice immédiat de sa vie pour sauver celle de ses semblables. Life est un lent et fascinant compte à rebours dont l’issue nous est connue – la brutalité générale du long métrage en est un indice ô combien significatif – mais aux étapes terribles parce que constamment anticipées par cette forme d’intelligence supérieure capable de surprendre l’homme, roi des animaux et prétendu maître de l’univers. Daniel Espinosa s’efforce de remettre l’humain à sa place, le filmant errant dans des dédales de couloirs entrecoupés de sas : la gravité traduit le flottement de ces existences prisonnières d’un vaisseau et d’un passé ramené sous la forme de souvenirs, de photos, de webcam ou de livre pour enfant.


Les personnages volent dans un huis clos que nous pourrions interpréter telle une métaphore de la léthargie qui dirige les êtres ; la menace provoque ainsi un sursaut d’existence, raccorde les corps à l’immédiateté de leur présent tout en leur faisant prendre conscience des limites inhérentes à leur espèce. Ce qui n’était que cellule invisible à l’œil nu mute en totalité destructrice qui ingère les hommes, les engloutit de l’intérieur comme le retour symbolique à un état embryonnaire avant le néant. La puissance d’une capsule ouverte et de la dépressurisation qu’elle produit équivaut à cette angoisse de l’absorption, de la disparition de l’unicité d’un être dans le silence d’une nuit sans fin. La créature incarne ce processus concurrent de vie et de mort qui définit l’existence humaine, elle qui pensait régner sur son environnement et le subordonner à ses besoins (désirs) : désignée de prime abord comme le nouveau-né d’une famille recomposée par les astronautes, la bête dévore ses « géniteurs » afin de gagner en puissance, pour se développer selon ses propres propriétés génétiques.


Porté par l'excellente partition de Jon Ekstrand, Life filme le langoureux et douloureux crépuscule d’une humanité à l’agonie qui, même en s’exilant au-delà de la Terre, ne réussit pas à annuler sa condition de mortelle, entraînant dans sa propension à sans cesse repousser les limites de sa nature et dans sa lâcheté la perte de ses semblables. Vertigineux.

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le 14 mai 2020

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