Il y a dix ans, John Hillcoat adaptait Cormack McCarthy avec La Route, en narrant l'errance, sur fond de post apo, d'un père et de son fils.


Il y a deux ans, en plein tremblement de terre #Metoo, étaient exposées les errances sexistes (au moins) de Casey Affleck, énième personnalité prise dans la tourmente, qui seront réglées par un accord financier.


Aujourd'hui, le même Casey Affleck livre Light of my Life. Un titre transparent qui appellerait presque, déjà, une repentance supposée. Un film qui ne peut totalement éviter la grille de lecture des frasques de son grand ordonnateur.


En faisant peut être craindre le pire au moment de payer son billet.


Sauf que cette appréhension s'envole assez vite. Dès la première séquence en fait. Qui décrit un long face à face, au fond d'une tente, entre une fille et son père, ce dernier essayant de lui raconter une histoire, transpirant l'amour autant que la maladresse.


Affleck en profite pour poser quelques balises, qui rappellent une de ses dernières prestations : A Ghost Story, dont Light of my Life reprend en partie le rythme entêtant ou lancinant, au choix.


Vous voilà donc prévenu.


Et il sera presque toujours convenu que l'attention, la menace, la tension, tout cela sera poussé généralement hors-champ.


Car en prenant le prétexte d'un monde sans femme, Casey Affleck parle surtout d'un duo. Celui composé par une fille qui ne se souvient pas de sa maman, comme déracinée. Dont le seul point de repère est un père (sur)protecteur, aussi aimant qu'autoritaire, incarnant le fantasme de conserver ad vitam aeternam l'innocence de sa progéniture.


Pour incarner un genre qui se fait rare après une étrange pandémie, dont on ne saura pas grand chose. Mais peut importe. Car cette espèce en voie d'extinction suscite la convoitise. Faisant suspecter que chaque rencontre peut se muer en menace potentielle de rapt et d'abus.


Affleck en profite clairement pour poser la question, pour la femme et la jeune fille, de son identité. De la nécessité de la cacher, parfois, de son objectisation profonde et de l'absence de liberté qui en découle.


Un duo composé ensuite par un père tout aussi courageux que maladroit, à plusieurs reprises, dans les manifestations de son amour infini. Un père qui doit aussi combler le vide et assurer la fonction de mère, tout en en perpétuant le souvenir par le biais, encore une fois, des histoires qu'il peut raconter le soir sous la tente.


Ce père évolue et s'adapte en même temps que sa fille, tandis que Casey Affleck fait comprendre, à force de douceur et de finesse dans ce qu'il met en scène, que les débuts, sans Elle, ont été difficiles et Son absence traumatisante. Les pics émotionnels et intimes s'enchaînent, faisant parfois penser à ce que Jeff Nichols a pu évoquer dans Midnight Special.


Et au fil de l'errance, l'argument post apo apparaît de plus en plus comme un prétexte, pour Affleck, pour sonder l'intime de cette relation à nulle autre pareille entre éducation, amour, confiance indéfectible et petites brouilles inévitables. Où deux êtres grandissent ensemble. Où la jeune fille finit par devenir adulte avant l'heure et prendre en main ses capacités. Où un père toujours maladroit ne cesse pourtant d'apprendre et de dépasser son rôle de protecteur pour transmettre, pour exalter, pour donner les clés de la vie.


Là se révèle peut être la véritable signification du titre de l'entreprise. Car même si l'atmosphère du film ne se définit qu'en niveau de gris et de sombre, en ambiances de menace sourde, des éclats de lumière viennent lui donner tout son sens, ainsi que l'occasion de croire malgré tout en l'avenir. Où l'humour affleure aussi, à l'image de cette tentative laborieuse d'expliquer comment les bébés sont faits.


Le décor de Light of my Life est terrible, tandis que le traitement de son duo se révèle dans toute sa délicatesse. Casey Affleck épouse donc chaque relief de son personnage : à la fois tendre, parfois maladroit, mais toujours franc dans son approche et sincère dans ses fragilités.


Behind_the_Mask, la femme est l'avenir de l'homme.

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le 12 août 2020

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