Limite
7.1
Limite

Film de Mario Peixoto (1931)

Énorme déception : je m'attendais à un coup de cœur. Or, je ne suis jamais parvenu à me baigner dans ce poème d'images. Je me suis abondamment ennuyé. Comme devant le travail naïf et enthousiaste d'un enfant malhabile. J'ai beau me dire qu'à l'époque le cinéma n'a qu'une trentaine d'années, que Mario Peixoto tente d'exprimer quelque chose, qu'il expérimente un autre cinéma, peut-être de concilier sa littérature, sa poésie et le langage de l'image et du mouvement, que tout cela est louable, je n'arrive pas à accéder à sa proposition.

Je ne vois qu'un réalisateur qui s'amuse avec sa caméra sans vraiment considérer, justement, que l'image, le mouvement, le cadre sont assujettis à une grammaire qui n'a rien de littéraire et que si le fossé entre cinéma et littérature peut parfois être peu profond (certains cinéastes ont réussi cette gageure de relier ces modes d'expression), il peut également et très rapidement le creuser. Le cinéma se pense avant même de se ressentir sans doute. Ici, je n'ai jamais pu atteindre cette deuxième phase.

Les partis pris de la mise en scène de Peixoto m'ont paru tellement artificiels que je n'ai pas pu "entrer" dans son monde. Le pire est sans doute la répétition de certaines séquences. au niveau du montage, en effet, Peixoto s'essaie à la redite. Pas seulement sur un plan qu'on répète trois ou quatre fois d'affilée, comme ce zoom sur une fontaine, ou sept à huit fois ces vagues qui déferlent sur un rocher, mais également des plans qu'il remontre plusieurs minutes les avoir déjà passés. Chez les trois personnages principaux du film, c'est peut-être l'effet de lassitude que Peixoto cherche à à transcrire à l'écran. Si c'est le cas, c'est réussi. Trop. Je doute cependant sérieusement qu'il ait eu l'intention d'ennuyer son spectateur. Je le vois plutôt comme un poète essayant d'embarquer le public vers une odyssée, contemplative, mélancolique où les regrets, les désillusions, la tristesse, le désespoir sont les maîtres mots, et non pas la lassitude ou l'ennui.
Sur ce travail visuel je suis donc rétif. Largement. Mais je suis tout autant malmené par l'accompagnement musical. A part sur la toute fin où les gymnopédies de Satie me paraissent parfaitement en adéquation avec ce que l'on voit à l'écran, la musique est très souvent en complète contradiction avec les images. Parfois la musique ronfle, s'emballe, on s'attend presque à voir les indiens attaquer les cowboys, mais non, un homme regarde dans le vide, allume un cigare et marche dans la rue, s'arrête, regarde le ciel, et repart, et puis un plan sur une branche morte qui se découpe dans le ciel, une branche qu'on a déjà vue il y a trois minutes et puis toujours pas d'indiens.

Bref, ce film est sans doute un très grand film brésilien, un film expérimental (ne me parlez pas d'avant-garde, je vous en prie, je garde mon chien andalou, je vous laisse "limite"), un film-poème qui peut toucher, exprimer quelque chose que mon inculture et mon insensibilité m’empêchent d'entendre. Ce n'est pas grave. 1h55 quand même... piouuuuu.
Alligator
3
Écrit par

Créée

le 22 mai 2014

Critique lue 490 fois

4 j'aime

Alligator

Écrit par

Critique lue 490 fois

4

D'autres avis sur Limite

Limite
Alligator
3

Critique de Limite par Alligator

Énorme déception : je m'attendais à un coup de cœur. Or, je ne suis jamais parvenu à me baigner dans ce poème d'images. Je me suis abondamment ennuyé. Comme devant le travail naïf et enthousiaste...

le 22 mai 2014

4 j'aime

Limite
Morrinson
6

Un homme et deux femmes sur un bateau

Cette pépite méconnue du cinéma brésilien du début du XXe siècle (et de la fin du cinéma muet) et unique réalisation à 21 ans du cinéaste Mario Peixoto fera sans doute la joie d'une poignée...

le 23 mai 2023

2 j'aime

Limite
_ZA_
1

Dis moi mamie, tu as du t'amuser pendant ta jeunesse...

Ce film a le mérite de nous informer sur le mode de vie de nos aïeux et de nous rassurer. Ce n'est pas en devenant vieux qu'ils sont devenus lents : ils l'ont, sans doute, toujours été. Me voilà...

Par

le 26 oct. 2010

1 j'aime

Du même critique

The Handmaid's Tale : La Servante écarlate
Alligator
5

Critique de The Handmaid's Tale : La Servante écarlate par Alligator

Très excité par le sujet et intrigué par le succès aux Emmy Awards, j’avais hâte de découvrir cette série. Malheureusement, je suis très déçu par la mise en scène et par la scénarisation. Assez...

le 22 nov. 2017

53 j'aime

16

Holy Motors
Alligator
3

Critique de Holy Motors par Alligator

août 2012: "Holly motors fuck!", ai-je envie de dire en sortant de la salle. Curieux : quand j'en suis sorti j'ai trouvé la rue dans la pénombre, sans un seul lampadaire réconfortant, un peu comme...

le 20 avr. 2013

53 j'aime

16

Sharp Objects
Alligator
9

Critique de Sharp Objects par Alligator

En règle générale, les œuvres se nourrissant ou bâtissant toute leur démonstration sur le pathos, l’enlisement, la plainte gémissante des protagonistes me les brisent menues. Il faut un sacré talent...

le 4 sept. 2018

50 j'aime