Le voilà, le film que Spielberg préparait depuis près de 10 ans. Et force est de constater que celui-ci s'est très bien documenté sur la vie du 16ème Président des États-Unis, pour lequel il a toujours nourri une grande fascination depuis son plus jeune âge. Basé sur le livre "Team of Rivals" de Doris Kearns Goodwin et scénarisé par Tony Kushner (déjà à la plume sur le film "Munich"), le film se focalise essentiellement sur les 4 derniers mois de la vie d'Abraham Lincoln (premier président républicain de l'histoire) et son combat pour faire adopter le 13ème amendement (l'abolition de l'esclavage) par la Chambre des Représentants, alors que la Guerre de Sécession fait encore rage. La force (et à la fois la faiblesse) du film est qu'il s'agit d'une histoire on ne peut plus américaine : un biopic sur le président le plus populaire des États-Unis (et accessoirement le plus représenté sur le grand comme sur le petit écran), se déroulant en grande partie dans la Chambre des Représentants (la justice, autre grand thème typiquement américain), dans laquelle verdict sera rendu en faveur ou non de l'abolition de l'esclavage. La foi face à la loi, les grands discours sur la fraternité et l'unité du peuple, les drapeaux américains, les trompettes, des phrases comme "This is History.", tout y est. Le fait que le film ait été nommé pour 12 Oscars n'est pas tellement étrange : voilà exactement le genre de film qui séduit le public américain. Mais séduira-t-il aussi le public français ? Mystère. D'autant que le film, d'une durée de 2h30, comporte tout de même quelques longueurs. L'action y est peut présente, la Guerre n'étant qu'en toile de fond. Ce qui compte ici, c'est l'importance des mots pour défendre ou non ce fameux amendement, choisir de faire ce qui s'avère juste (Lincoln s'est d'ailleurs mis à dos une partie de son propre parti, lorsqu'il voulu instaurer ce nouvel amendement), le rachat de certains votes des Démocrates par les Républicains en leur faveur, ce qui se trame dans les coulisses du pouvoir. S'entourant de la même équipe depuis des années, Spielberg reprend une réalisation similaire à celle de son précédent film, "Cheval de Guerre", aussi bien au niveau de la photographie que de la musique et s'attaque encore une fois à l'esclavage, thème qu'il a déjà abordé, d'un autre point de vue, dans "Amistad".Dans le rôle de Lincoln (qui devait être incarné au départ par Liam Neeson) Daniel Day-Lewis impressionne une nouvelle fois. L'acteur qui tourne assez peu, mais qui marque chacun de ses films de son empreinte indélébile, a su s'approprier totalement le personnage, aussi bien dans son aspect physique, sa démarche que sa voix (le point qui m'a le plus impressionné, surtout quand on la compare à la voix caverneuse qu'il avait dans "There Will Be Blood"). L'acteur-caméléon n'a plus qu'à tendre les bras pour récupérer son 3e Oscar le 24 février prochain. Un film à la gloire de Daniel "Abraham" Day-Lewis ? Peut-être bien. Le reste de la distribution n'a évidemment pas à rougir, chacun assurant parfaitement sa partition, Tommy Lee Jones en tête, fort et touchant dans le rôle de Thaddeus Stevens, défenseur de l'égalité entre les Noirs et les Blancs. Un film américain, donc, se focalisant sur une période importante, voire décisive de sa propre Histoire.