Jardin des Plantes × Jurassik Park

Quel terreaux fertile pour nos angoisses que sont les manipulations génétiques. À la fois pour les cinéastes mais aussi dans la vraie vie, les débats qui animent les bancs reluisants de nos institutions législatives où la loi nouvelle loi bioéthique est en train d'être discutée.
Une question subsiste : Little Joe réussit-il à ce que la fiction dépasse la réalité ? Pas sûr.


Avec sa coscénariste de toujours (Géraldine Bajard), la réalisatrice nous emmène dans un récit d'anticipation. Enfin, on sent que ce futur peut très bien se dérouler demain tellement la proximité avec notre époque est patente. En effet, nous retrouvons les même startup innovantes, les mêmes selfs aux allures d'hôpitaux, les mêmes intérieurs remplis de meubles Ikea. Ces teintes pastels qui constellent à la fois les costumes mais aussi les décors sont l'élément qui nous fait bien comprendre que nous sommes dans une œuvre de science-fiction : personne n'arborent ces couleurs en dehors du cinéma ! Une des nombreuses marques d'ironie dont fait preuve le film. Car l'humour subtile est instillé avec parcimonie au cours du récit, mais ne vous attendez pas à rire à gorge déployée.


Les relations entre les humains sont mortes, il nous faut des palliatifs. Un chat ? Un chien ? La fibre optique ? Oubliez, et passez aux plantes. La société dans laquelle nous vivons isole de plus en plus les individus c'est le postulat de départ de Little Joe. La protagoniste en est le parangon idéal :


accro à son boulot mais gagne bien sa vie, urbaine mais n'a jamais le temps de se préparer à manger, élève son enfant seule mais en souffre. Au fond, le film dissèque bien certaines de nos contradictions. Le père est un bon exemple : probablement accablé par la vie qu'il menait, il est parti s'isoler dans la campagne. Cependant, ça n'est pas dit qu'il est plus heureux pour autant car il ne peut plus voir son fils.


Le récit avance aussi lentement que les mouvement de la caméra de l'opérateur. Peu à peu, il se retrouve pris dans un ressort que nous connaissons bien.


Est-ce que c'est le personnage principal qui est fou ou bien est-il le seul à y voir clair parmi un entourage qui s'est ligué contre lui ?


Formaliste, le cadre d'une précision chirurgical, est toujours bien travaillé. Que ça soit par la disposition des décors ou bien la judicieuse utilise de la lumière pour souligner le caractère anxiogène de certaines séquences. Il faut noter que la bande son est en parfaite accord avec le propos. Ils sont allés chercher des notes asiatiques (japonaise ?) avec percussions et autres instruments plus aigües.


Le film a fait beaucoup parler de lui à Cannes (une des plus grosses impostures que le cinéma ait) car l'actrice principale (Emily Beecham) a reçu le prix d’interprétation. Il est vrai que cette dernière livre un jeu impeccable. Il serait également opportun de relever l'ingéniosité qui fut employée pour construire tous les personnages secondaires qui essaiment peu à peu. Je pense notamment à Ben " Q " Whishaw qui est formidable ou bien l'ambivalente Kerry Fox.
Cela dit, après que la poussière sera retombée après la sortie du film, j'ai bien peur que Little Joe ne parvienne pas à rentrer dans la postérité. En cause, le problème classique du pitch super mais peine lorsqu'il est déroulé. Il reste que les sujets évoqués sont d'une perçante acuité et la mise en scène remarquable. Mais, ces éléments suffiront-ils ?

Alcalin
6
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le 14 sept. 2019

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Alcalin

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