Je sais qu'il est facile de cracher sur les films indépendant et notamment un certain cinéma du milieu des années 2000 : affiche jaune, casting de "tiens-j'ai-déjà-vu-cette-tête-là-quelque-part", "feel-good-movie" égratignant le mode de vie américain sans jamais faire d'attaque frontale, et le mot "Bobo" qui revient à chaque critique comme s'il s'agissait d'un argument. Bref, une sorte de détestation pour des films comme Garden State, Thank You For Smoking, Juno comme si c'était nul de faire des comédies "indé." A se demander si être primé comme meilleur film pour le festival de Sundance n'est pas plus une malédiction qu'autre chose (le duo à l'origine du film ayant galéré pendant six ans pour en faire un nouveau... basé sur l'angoisse de la page blanche.)


Tout ça pour dire que j'ai revu Little Miss Sunshine il y a deux jours et que j'en re-suis sorti avec la banane. Ce qui est amusant, c'est qu'au fond, ce film pourrait être profondément déprimant


et qu'à la fin du film, non seulement aucun des personnages n'a résolu son problème, mais le plus dur est devant eux.



Film de Losers



Chose intéressante, c'est que le film se base sur une déclaration d'Arnold Schwarzenegger, qui dans un de ses élans de conneries tel qu'il savait le faire lorsqu'il était gouverneur a déclaré qu'il "détestait les losers." Michael Arndt, a alors mis en scène des personnages qui sont tous des losers ou qui vont voir leur rêves brisés, mais qui sont tous attachants. On peut rater les choses que l'on a entreprises et ce, alors qu'on avait persévéré et qu'on s'était donné les moyens de réussir. Le film explique que les vrais losers ce sont ceux qui n'ont jamais rien tentés de leur vie. Et l'échec prend plusieurs formes dans ce film.


Par manque de chance (Dwayne qui découvre au dernier moment qu'il est daltonien.)
Parce que dans la concurrence ça n'est parfois pas le plus talentueux qui gagne (Frank, qui se fait piquer son mec et sa position de "plus grand connaisseur de Proust" par un prof arrogant.)
Parce qu'on s'est fait berné par quelqu'un en qui on avait confiance (Richard qui misait complètement en un potentiel investisseur.)
Parce qu'on avait AUCUNE chance depuis le départ mais qu'on est bercé par des illusions naïves et que ça n'est pas un crime : (Olive.)


Dommage, le film contient une intrigue potentielle autour du personnage joué par Toni Colette qui s'avère être divorcée, mais mis à part dans une ou deux lignes de dialogue cela ne transparait pas. Alors, cela permet d'avoir un personnage qui a la tête sur les épaules du début à la fin du film, mais du coup, ça la sorte du cercle des "losers" dont sa famille semble faire partie.


Pour souligner cette thématique, très américaine du "quand on veut on peut et si l'on se bat assez, on fini par devenir vainqueur" le film fait moult référence à Nietsche ainsi qu'aux discours motivateurs, ces fameux "comment devenir un winner en 9 points." Utilisé par le personnage de Richard, cela en fait un personnage assez odieux pendant une bonne partie du film, sa rhétorique le poussant à être arrogant ou inutilement mesquin (le passage avec la glace au chocolat ou le "tu ne fera pas ce concours si tu n'es pas sûre à 100% de gagner.") En cela, il est un miroir des discours "à la schwarzenegger" avant de se dire "ho et puis, merde à tout ça" au milieu du film.


Ce film souligne plusieurs fois l'absurdité qu'il y à faire l'éloge de la compétition en se terminant sur ce qu'elle a de plus infâme : la faire commencer dès le plus jeune age. Le film se termine sur "dix minutes / un quart d'heure en enfer" avec le monde des "petites miss" en montrant un gros panel de l'horreur du truc : le côté "enfant savant", l'hypersexualisation des petites filles, les soupçons de pédophilie (Matt Winston, parfait en animateur creapy) et la transformation de ce qui est censé être un loisir pour petite fille en un "serious bizness" stressant. Et ça fait limite froid dans le dos lorsqu'on sait qu'en dehors d'Abigail Breslin, toutes les gamines sont jouées par de véritables concurrentes de ce genre de concours.


Le film se termine sur un gros "fuck la compétition." Ce qui est marrant, c'est que les personnages, aussi attachant qu'ils sont aurait pu être une famille de "méchants idiots" d'un autre film :


Ils ruinent un concours pour enfant après avoir fait une danse obscène sur scène et avoir fait n'importe quoi. Ils causent un gros problème dans un hôpital en faisant disparaître un corps. Et ils vandalisent des barrières.


Et c'est un film qui se termine PILE au moment où il doit se terminer : toutes les intrigues sont réglées, on ne rallonge pas inutilement la sauce et le plan final est PAR-FAIT. (Non parce que c''est assez rare, faut le souligner.)



Un mot sur le casting :



Ce défaut qui énerve pas mal de gens dans les films "indés" m'amuse pas mal : on voit BEAUCOUP d'acteur de série télé dans ce genre de films. Ici, en dehors de Steve Carrel (qui n'était pas encore connu pour "The Office" au moment du casting et que je n'avais pas reconnu à l'époque) et de Toni Colette on a droit à des caméos de Bryan Cranston et de son accolyte de Breaking Bad, Dean Norris dans un rôle de flic. On croise aussi Mary Lynn Rajskub dans son rôle éternelle "d'assistante qui fait la gueule" (24 étant son chef d'oeuvre à ce niveau) et ça, ça rend le film encore plus jouissif.


Et le jeu d'Abigail Breslin est impeccable. J'aime pas les gamins acteurs, mais force est d'avouer qu'elle est impeccable de justesse dans ce film. D'autant plus que le film ne souffre pas du syndrome de "je vais faire écrire des dialogues d'adulte à un enfant de 8 ans comme ça il aura l'air surdoué" (Par contre, les rares dialogues de son frangin on parfois ce défaut.)


Bref, j'aime beaucoup ce film.

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le 23 févr. 2017

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Mad Dog

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