« Et puis, surtout, c'est reposant, la tragédie, parce qu'on sait qu'il n'y a plus d'espoir, le sale espoir; qu'on est pris, qu'on est enfin pris comme un rat ». Etrangement, ces mots de Jean Anouilh résument à merveille le premier long métrage de James Gray : Little Odessa. Il nous raconte l’histoire d’un tueur à gages nommé Joshua Shapira. Autrefois banni par son père pour avoir tué le fils d’un des chefs de la mafia locale, Joshua revient dans le quartier où il a grandi, mandaté pour une exécution. Tout commence et se termine donc dans ce quartier de Brighton Beach, un district de Brooklyn à New York, que l’on appelle « Little Odessa ». Ce microcosme, qui concentre une importante population juive d’origine russe, n’est pas seulement le lieu où se noue et se dénoue l’intrigue, mais elle constitue à elle seule un personnage, qui semble incarner les rêves et les désillusions d’une communauté. Comme dans une tragédie classique, une fois le cadre posé, les personnages semblent prisonniers de leur destin, ou de ce qu’ici on pourrait appeler leur prédestination sociale. A la manière d’un Luchino Visconti, Gray place les rapports familiaux au centre de son œuvre. Ce qui est dépeint c’est le bannissement mais aussi la question des origines, ou encore l’incompréhension au sein de la famille. Tom Rith, dans son rôle de renégat est impressionnant, et que dire de la prestation d’Edward Furlong : tout simplement sublime. Il interprète Reuben, un adolescent paumé entre un père désabusé et une mère mourante, qui cherche à tout prix la reconnaissance de son grand frère, son héros. Sans nul doute le génie de Gray se trouve dans la réalisation ; le film est simple, épuré, sans musique tonitruante ou effet spectaculaire, un peu comme une photographie en noir et blanc de cet hiver neigeux à New York. On se croirait chez Racine ou chez Corneille, dans ces drames d’autant plus beaux qu’ils sont uniques.
Laurie_Gen
8
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le 20 oct. 2014

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Laurie Genthon

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