Un film de gangsters classique. Peut-être même trop...

Si beaucoup le décrient encore comme un acteur au talent fort discutable – et ce à juste titre –, il faut reconnaître que, jusque-là, Ben Affleck a su impressionner l’assistance en tant que réalisateur. Commençant son passage derrière la caméra avec un thriller à la limite du cinéma de Clint Eastwood (Gone Baby Gone) pour enchaîner par un film de braquage classique mais au combien efficace, proche parent du mythique Heat de Michael Mann (The Town). Pour enfin connaître la consécration en raflant l’Oscar du Meilleur film avec un thriller historique mémorable (Argo). Il était donc évident que la nouvelle réalisation du cinéaste/comédien soit un projet hautement attendu. D’autant plus que ce dernier se présentait comme une nouvelle adaptation de l’œuvre de l’écrivain Dennis Lehane (Gone Baby Gone mais également Mystic River et Shutter Island), ce qui avait de quoi susciter bien des attentions. Malheureusement, malgré un savoir-faire indéniable de la part de Ben Affleck, son nouveau film n’atteint jamais la qualité de ses précédents titres…


Que l’on se comprenne bien d’emblée : Live by Night n’est pas un mauvais film, loin de là. Il se montre même plutôt ambitieux de la part d’un réalisateur qui continue sur sa lancée et voulant à tout prix poursuivre sur cette voie. Et fort de son succès dans le domaine du thriller et un amour inconditionnel du cinéma dans son ensemble (déclaration qu’il avait fait en s’occupant d’Argo), Ben Affleck a voulu étoffer cela en s’attaquant à un genre pilier du septième art : le film de gangsters. En assumant pleinement ses multiples références (Il était une fois en Amérique en tête, ainsi que le cinéma de Martin Scorsese), le bonhomme n’a peut-être pas voulu y laisser sa marque mais au moins effectuer un exercice de style à la mesure de sa filmographie. Pour cela, il a su, une nouvelle fois s’entourer des bons artisans pour mettre en place son film. Des bonnes personnes qui ont réussi à représenté à l’écran la Prohibition des années 20 avec ses nombreux décors, costumes, accessoires et costumes. Sans oublier une distribution cinq étoiles regroupant de grands noms du cinéma hollywoodien actuel (Elle Fanning, Zoe Saldana, Sienna Miller) ou d’habitués des seconds rôles marquants (Chris Cooper, Brendan Gleeson).


Mais considérant son bébé comme un simple exercice de style, Ben Affleck n’ira malheureusement pas au-delà de cette étiquette. Hormis une histoire se déroulant principalement en Floride et non dans des villes étouffantes telles que New York, Chicago et consorts (seul Scarface l’avait fait), Live by Night ne réinvente jamais le genre. La trame scénaristique nous livre une intrigue vue et revue, celle d’un petit malfrat qui, animé par la vengeance, va s’élever au rang de caïd et bâtir son propre business, son empire. Avec, bien entendu, son lot de rencontres et de retournements de situation inhérents au genre. Si le réalisateur propose des séquences tendues d’une rare intensité (une course-poursuite ainsi qu’une fusillade dans un hôtel) et des thématiques peu abordées dans ce type de long-métrage (le Ku Klux Klan, la religion salvatrice…), il ne parvient jamais à sortir son film d’un classicisme un chouïa lourd. Provoquant à son visionnage peu de surprises et se montrant par instant ennuyeux. Et il faut également ajouter à cela l’interprétation monolithique de Ben Affleck, montrant une fois de plus que celui-ci est bien meilleur réalisateur que comédien.


Cet aspect « se reposer sur ses lauriers » pourrait être la faute de la Warner Bros. Non pas que cela soit devenu un running gag de toujours accuser les producteurs hollywoodiens à chaque critique, mais que ce fait soit une réalité concernant Live by Night. En effet, il se peut que les financiers du studio aient hautement négligé la nouvelle réalisation de Ben Affleck pour plutôt mettre en avant leur projet de la Justice League. Essayant de chouchouter leur « petit protégé » pour qu’il puisse faire ce qu’il veut tout en le pressant de réaliser The Batman et d’assurer sa présence dans le rôle du justicier masqué dans les années à venir. Seulement voilà, à trop vouloir le pousser vers DC Comics plutôt que des projets personnels, ils ont surtout gagner l’impatience d’Affleck à tel point qu’il s’est senti éreinté par la situation, livrant pour le coup le minimum syndical sur Live by Night. Sans compter qu’il s’est carrément désisté de la direction de The Batman (la délaissant à Matt Reeves) et commence à vouloir abandonner le personnage, c’est pour dire !


Qu’importe, le résultat est là : avec son quatrième long-métrage, Ben Affleck ne parvient pas à retrouver la qualité de ses précédentes réalisations. Car ayant livré un film de gangsters tout ce qu’il y a de plus banal, sans toutefois oublier de lui offrir du cachet et de l’efficacité dans certaines séquences. C’est fait avec beaucoup d’amour et de savoir-faire, mais cela reste classique. Trop même, Live by Night ne proposant jamais rien de neuf au bataillon. Et c’est fort dommage, quand on sait de quoi est capable Affleck derrière une caméra. Peut-être dans son prochain projet, qui n’aura plus l’ombre du Chevalier Noir planant inlassablement au-dessus.

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