Loin de moi l'idée de minimiser les contributions d'Huge Jackedman dans le monde de la performance dramaturgique. Nous avons tous pouffé quand il était un pingouin en 3D peinant avec toutes les difficultés du monde à garder un accent proche de – mais pas exactement équivalent à – celui d'Elvis. Qui peut oublier sa performance digne d'une publicité pour le shampooing dans Van Helsing le film qui n'était pas du tout inspiré par le pire de la série Castlevania. Ou même cette forte impression qu'il laissa à l'intégralité du monde libre en incarnant un australien tout en l'étant face à une Nicole Kidman qui l'était tout autant mais faisait semblant d'être anglaise – et dont le visage pourtant constitué d'une armée de petits écureuils animatroniques ne l'empêchait en rien d'avoir l'air d'un humaine - dans un film intitulé, dit-il en vérifiant vite-fait ses notes, Australia. Imaginez ça : un australien bien bâti qui interprète à sa façon le rôle d'un australien bien bâti dans une féerie prêchi-prêcha où des gens se démènent pour vendre des vaches. Et, pour bien cerner le talent du personnage, qui peut oublier la fois où il incarna Jean Valjean... dans une comédie musicale destinée à mutiler l'un des sommets de la littérature française afin que les dames d'un certain âge puisse s'y intéresser en mangeant des pralines tout en se demandant précisément pourquoi elles avaient fini vieilles-filles. Ce type de carrière d'exception, dépourvue de l'odeur fade et pourtant familière de la médiocrité la plus absconse, est très certainement de celles dont l'humanité se souviendra dans le futur quand elle devra lister les dramaturges les plus marquants du XXème siècle. Mais, attention, ce n'est pas tout. Saviez-vous que Huge Jackedman avant aussi travaillé dans le domaine comique en habitant, ce n'est pas sale, pendant des années le fameux rôle iconique du Wolverien ? Non ?! Il n'est pas trop tard pour tenter de comprendre le phénomène car je vais vous en détailler les lignes majeures dans le paragraphe suivant.


Tout commence en 1963. Jack Kirby et Stan Lee – respectivement l'homme qui a créé l'univers Marvel et l'homme qui en a fait fortune – sont au sommet de leurs forces créatives. L'année précédente a été féconde pour le duo stakhanoviste : ils ont inventé un petit gars, Peter Parker, qui leur a fait comprendre à quel point le sentiment d'être un adolescent incompris peut rapporter de l'argent à une compagnie capitaliste. Ce sont les problèmes personnels, voyez-vous, qui font la différence des comics de la Maison des Idées. Leurs protagonistes sont des monstres, des incompris, et autres neurasthéniques qui s'ignorent. Les héros de la Distinguée Compétition sont puissants, divins, motivés par un sens du devoir proche de celui des héros tragiques du théâtre classique. Ils sont, en un mot, désuets. C'est difficile pour un public d'adolescents de s'imaginer être un divinité solaire venu d'une autre planète, ou un millionnaire surentraîné doté des capacités du meilleur détective au monde et d'une belle ceinture jaune débordant de gadgets. Tout ça, c'est l'ancien monde, celui de la Seconde Guerre Mondiale : les Héros de Papa. La génération éduquée sous Kennedy et sa Nouvelle Frontière espère autre chose : des histoire larmoyantes sur le quotidien de jeunes gens tellement nombrilistes qu'ils deviendront massivement hippies quelques années plus tard, par exemple. Suite aux succès répétés de l'Homme-Araignée ou des Quatre Fantastiques – à ne pas confondre avec les Cinq Médiocres, leur équivalent français scénarisé par René Goscinny – le fameux duo de créateurs comprend pleinement sa propre formule. Il suffit de réunir des teenagers dotés de pouvoirs dans une situation où ils puissent voguer de malentendu en malentendu en amassant au passage divers écueils sentimentaux dignes des soap-operas. C'est ainsi que naissent les X-Men. Une équipe de jeunes gens qui sont nés différents du reste de la société et que tu peux pas comprendre leur calvaire, man. Ce sont des mutants et les gens normatifs peuvent trop pas piger, quoi, ils sont trop rebelles et mystérieux pour ton esprit carré. Rejette une mèche de cheveux derrière son oreille. Et c'est pour ça qu'ils portent un uniforme quasi-militariste et sont éduqués dans un internat par un télépathe chauve ; dude. Ils sont trop random, tu vois. De toute façon, tu peux pas comprendre. T'es pas construit pour.


Je vous épargnerai une très longue diatribe sur le fait que Bryan Singer n'est pas vraiment un bon réalisateur ou sur le fait que ces adaptations sont des relectures réductrices et superficielles d'un sujet pour lequel j'ai toujours pensé qu'il avait une forme de mépris profond... mais j'imagine que leur succès est indicatif d'une vague compréhension de ce qu'un public mondialisé espère voir dans un film de super-héros. Au mieux, ce sont des films sans âme qui font tout ce qu'ils peuvent pour masquer cet état de fait sous des tonnes de sentimentalisme primaire joué à la louche par des acteurs de second rang. Au pire... des trahisons d'une œuvre considérablement supérieure d'un point de vue esthétique. Et pour être clair – autant éviter les malentendus – je suis fan des X-Men. Contrairement au public des films j'ai du respect pour Chris Claremont et je sais apprécier ce qu'il tentait de créer dans les pages d'Uncanny X-Men. Ceci dit et cela fait : je ne pense pas être fort triste de voir un autre acteur médiocre capable de faire de la musculation reprendre le rôle du Wolverien. Oh, ils auront tenté de faire jouer les violons, de tirer sur la corde sensible, mais pour qu'une histoire axée autour de la disparition d'un personnage mythique lors d'un dernier rodéo salvateur fonctionne pleinement... il faut que celui-ci ait été autre chose qu'un produit de consommation courant ballotté au rythme des volontés souvent stupides d'un studio myope. Je comprends qu'il est l'axe majeur de la série. Probablement le seul personnage fonctionnel de la franchise. Mais, franchement, qui peut bien avoir de la sympathie pour un personnage dont les motivations profondes ont été détaillées dans un film du calibre de Wolverine : Origins ? Non, sérieux, qui ?!


J'imagine qu'une portion des gens qui regardent ces films sont pris d'une forme de sympathie pour l'acteur. Vous savez, Huge Jackedman, ils ont grandi en le voyant jouer un gars doté de couteaux en 3D dans les mains durant la majorité de leur vie et seront donc nostalgiques quand il aura cessé d'avoir un boulot stable au cinéma. Mais, faut pas se leurrer : l'homme n'est pas vraiment un acteur shakespearien de calibre majeur. C'est à peine s'il est capable de boiter de manière convaincante dans ce Logan. (Ceci dit, il tousse avec un peu de cette vraisemblance qui manque à ses genoux. Il doit avoir un coach ou un truc du genre.) Imaginez le niveau de surréalisme quand on lui demande soudain de véhiculer par sa gigantesque carcasse de viande anabolique le fait que oui, décidément, il a des sentiments paternels pour une petite fille réalisée dans un laboratoire par le mélange savant d'un scénario paresseux, de l'ADN du Wolverien, et du corps d'une jeune mexicaine. Ou, encore plus fort, quand un autre de ses clones – oui, décidément, beaucoup de clones de Serval dans ce film – tue le très très très vieux Capitaine Picard d'un coup de griffe polygonale dans le torse tandis que joue de la musique triste. L'on touche au comique involontaire. Il me semble d'ailleurs très significatif d'un point de vue culturel qu'un film comme celui-ci soit considéré comme très profond par beaucoup de mes congénères. Est-on face à une génération d'analphabètes cinématographiques incapables de reconnaître le scénario de Children of Men quand on le mélange avec celui de Terminator 2 dans un brouet constitué de vrais morceaux de Léon ? La question se pose. Très fort. À voix haute. Pendant tout le film.

MaSQuEdePuSTA
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le 22 mai 2017

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