Etonnant blockubster, brutal et déprimé, d'une parfaite coïncidence avec l'état de la production hollywoodienne.
C'est un film de superhéros, un de plus, mais qui serait comme le stade terminal du genre, usé et fatigué, et qui n'aspirerait qu'à une chose, en finir. Nulle débauche d'explosions, de personnages, de récits comme chez Avengers & co. Pas de second degré ni de vannes complices avec le spectateurs comme dans les premiers X-men et dans Deadpool. Pas davantage d'ambition de renouveler le genre comme chez Nolan. Le seul programme du film est de donner un tombeau à son personnage, qui prend la forme d'une lente agonie, jonchée des cadavres de ses ennemis. Personnage, Wolverine donc, qui n'aura pas évolué en l'espace de 4,5,6 (j'ai arrêté de compter) films. Dans le premier X-men, il nous était présenté comme l'ours mal léché en colère contre la Terre entière mais qui a bon fond et ne tourne jamais vraiment le dos à son rôle d'héros. Ca n'a pas changé : au début un peu froid et distant puis prêt à se sacrifier pour sauver autrui, avec de bons vieux sentiments paternalistes à la clé.
Plus inattendue est la forme du récit, un road-movie (peu commun au genre), bien que l'on sache très vite comme tout ça se déroulera - qui survivra et qui mourra, même si la sécheresse de l'assassinat du professeur Xavier m'a surpris. L'histoire en elle-même n'a que peu d'intérêt, sauf pour ceux qui sont passionnés par la "mythologie X-men". Non, le nerf du film est sa violence, sa rage, presque son désespoir. Les scènes d'action sont nombreuses, très brutales, sanglantes, filmées au plus près des corps - puisqu'on ne meurt ici qu'en étant empalé, transpercé, lacéré. Il faut que ça fasse mal, qu'on ressente la douleur du combat, de la mort. Et donc on crie beaucoup, tout le temps. Logan et la fille hurlent en même temps qu'ils rentrent leurs griffes dans la chair de leurs ennemis, qui paradoxalement sont plus silencieux, eux. C'est comme si ceux qui souffraient, c'étaient eux, Logan et la fille, que chaque coup qu'il devait rendre leur arrachait un bout de peau et une partie de leur âme. Ils tuent à contre-coeur mais avec rage, car couper des membres est leur seule façon de se défendre. Ils souffrent d'être des machines à tuer, ils détestent ce qu'on a fait d'eux et pourtant c'est grâce à leurs griffes qu'ils peuvent échapper à leurs ennemis - et peu comme Hollywood pris au piège par la rentabilité de ses franchises et condamner à les répéter. Ce dilemme, ce déchirement pourrait être un peu plus développé ou traduit avec plus d'inventivité que par des seuls cris de bête, mais ce n'est pas vraiment l'objectif. Ce qui compte c'est l'efficacité des scènes d'action et leur brutalité. Et il faut bien reconnaître qu'elles le sont, on pourrait même reconnaître une certaine virtuosité dans cette intensité. Mais au bout de la dixième, on commence à se lasser et à être un peu gêné et interloqué par un tel déluge de violence dans un Blockbuster de superhéros destiné à un grand public a priori. Car ce n'est pas la violence "joyeuse" de Tarantino, ni une violence aseptisée comme dans les Nolan, c'est frontal et sérieux, à prendre au premier degré. Et pendant 2h15, c'est long, voire assommant, et témoigne d'une certaine impuissance du genre à se renouveler vraiment, comme une impasse.
La noirceur du film est in fine sans objet, presque vide. Les personnages n'ont aucune épaisseur et le scénario est assez simpliste, donc pourquoi en faire autant dans le désespoir et l'affliction? Qu'est-ce qui justifie une telle tonalité crépusculaire? Rien, ça tourne à vide. Heureusement que pour nous distraire un peu, on a une ou deux scènes d'action intéressantes qui ne se résument pas à des corps transpercés et à des hurlements. Pas de quoi s'exciter.

Carlito14
5
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le 5 août 2017

Critique lue 219 fois

Carlito14

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