Le casse du siècle

C'est l'une des rengaines les plus connues du cinéma américain et pourtant, on en voit toujours pas le bout : la retraite du réalisateur primé à Cannes pour son "Sexe, mensonges et vidéo", Steven Soderbergh. Cela fait des années que le cinéaste rejette l'industrie hollywoodienne et prône un cinéma indé où un seul homme se trouve en haut de la chaîne alimentaire du processus de création et de distribution. C'est chose faite avec "Logan Lucky". Le film part donc déjà avec un sérieux avantage puisqu'il représente l'espoir d'un 7ème art dépouillé de toute prétention mercantile (enfin, quasiment) pour laisser le champs libre à l'homme derrière la caméra. Cette liberté et un solide scénario, voilà les deux choses qui ont convaincu Soderbergh de rempiler encore une fois. Pourtant, s'il y a bien quelque chose qui coince dans le film, c'est son histoire. Les films de braquage, le metteur en scène a déjà donné avec la série "Ocean's Eleven" et, même si le contre-pied est pris en faisant d'une bande de rednecks les principaux instigateurs de ce casse de génie, on reste perplexe sur le décalage proposé par le cinéaste entre l'incroyable plan monté par magie par les frères Logan, pas très futés au demeurant, et cette peinture d'une Amérique clichée glorifiant le mauvais goût et le patriotisme contraint. Si on passe de surprises en surprises avec un certain étonnement, c'est au détriment de la crédibilité d'un plan trop audacieux pour des personnages que l'on nous introduit à coup de baston dans un bar ou de concours de lancer de cuvettes de WC. On est à mille lieux de la bande à Clooney et pourtant, Soderbergh, faisant preuve d'un peu trop de facilité, calque une mise en scène, certes énergique et bien pensée mais déjà vu et testé à trois reprises par le passé. Le film, agréable et espiègle, puise bien plus sa force dans sa galerie de personnages taillés sur mesure qui, à la manière de ceux des frères Coen, se font le cri d'amour lancé à toute une zone géographique des Etats-Unis. "Logan Lucky" a ce côté généreux et malicieux qui le rend si attachant. On regrette tout de même de voir qu'un cinéaste ayant la totale maîtrise de son bébé ne prenne pas plus de risques pour faire évoluer ses excellents personnages dans autre chose qu'un casino en forme de circuit automobile.