Bien qu’agréable à l’œil, l’affiche ne présente aucune originalité particulière. Disons qu’elle exprime ce qu’elle veut faire passer, avec le couple vedette bien mis en valeur. Attitudes et vêtements élégants, ambiance chaleureuse, visages bien reconnaissables des deux têtes d’affiche, regards interrogateurs assez significatifs de l’intrigue, adaptée du roman éponyme de Thomas Hardy. Surprise, c’est un autre Thomas (Vinterberg) qui s'essaie au classicisme.


L’intrigue débute dans le Dorset en 1870, sur la côte donc loin de Londres, voilà pour justifier le titre. Cet éloignement n’empêche évidemment pas les cœurs de battre, qu’ils soient jeunes ou moins jeunes. Le personnage principal est la mignonne Bathsheba (Bethsabée) Everdene (prononcer Eve-heure-dîne), une jeune femme qu’on découvre lors d’une chevauchée en pleine campagne pour souligner son caractère impétueux, sa fougue et sa liberté. Elle est observée par un berger, Mr. Oak qui bien entendu est fasciné. Mais Gabriel Oak aura bien du mal à convaincre Bathsheba… de l’épouser. Il lui dirait bien ses 4 vérités pour lui forcer un peu la main, mais il est fier et conscient de sa position. Il n’a pas grand-chose à lui proposer à part une vie simple où elle serait sa reine. Remarquons au passage l’article possessif. Voilà qui ne peut qu’inciter Bathsheba à une certaine réticence (elle aussi a sa fierté). Les circonstances permettront néanmoins à Gabriel de rester constamment auprès de Bathsheba. Tel un chêne (oak = chêne), il sera toujours là pour donner un coup de main aux moments dramatiques et même donner un avis implicite.


Toujours est-il que Bathsheba a tendance à dédaigner ce premier parti possible. Elle attend le déclic qui fera battre son cœur. En attendant, la voilà par héritage (inattendu) propriétaire d’un manoir et de son important domaine agricole, dont elle congédie l’intendant pour incompétence. A la place, une personne de confiance lui tombe du ciel. Dans les environs, le riche propriétaire terrien William Boldwood (Michael Sheen), fait le désespoir des femmes en ne se laissant séduire par aucune. Bien évidemment, seule Bathsheba aura l’heur de lui plaire. Quelles sont les chances de cet homme mûr ?


Le cœur de Bathseba est prêt à s’enflammer. Mais, comme le disait Pascal « Le cœur a ses raisons que la raison ignore »...


Le film est crédible dans la valse-hésitation des sentiments ayant Bathsheba comme centre d’intérêt. D’après mes recherches, le scénario (signé David Nicholls) semble fidèle au roman. Un roman publié en 1874 (dans une revue) et adapté deux fois auparavant au cinéma : par Laurence Trimble (1915), puis par John Schlesinger (1967) avec Julie Christie. A noter qu’il est la source d’inspiration du roman graphique Tamara Drewe de Posy Simmonds, adapté au cinéma par **Stephen Frear**s (2010).


Le vrai défaut dans ce film du réalisateur de La chasse c’est que, malgré tous les rebondissements qui émaillent les 2 heures de projection, l’épilogue ne surprend pas particulièrement.


2 heures, c’est court pour transcrire un roman de plusieurs centaines de pages. Merci donc à Thomas Vinterberg d’avoir su montrer les principaux personnages, tourmentés par d’insurmontables dilemmes à l’heure des choix sentimentaux décisifs. Ce n’est pas rien de recevoir une déclaration d’amour, d’entendre une demande en mariage, d’y répondre, de faire la part entre désir physique et sentiments profonds et enfin de porter l’enfant de quelqu’un qui vous a fait des promesses dont la solidité reste à éprouver.


Finalement, les démêlés sentimentaux du sergent Francis Troy surprennent davantage que ceux de Bathsheba, même s’ils se croisent. Un des atouts du film est donc de réserver quelques situations parfaitement inattendues. Ainsi, dans ce film sentimentalo-dramatique, l’humour est néanmoins présent. Exemple avec ce crime passionnel qui a fait s’esclaffer une majorité des spectateurs présents à l’avant-première.


Petite recommandation pour les habitués des commentaires en cours de projection : une scène dans une église laisse perplexe. Evitez de dire que vous n’avez rien compris, la scène s’éclairera plus tard.


Les acteurs sont convaincants. Mention particulière à Matthias Schoenaerts (Gabriel) qui affiche une belle sérénité propre à troubler sa partenaire. Carey Mulligan (Bathsheba) est un ici un cas. Mignonne, plutôt petite et mince, on sent malgré tout qu’elle n’a plus la fraicheur de ses débuts. Ses traits (avec quelques ridules) mettent désormais en évidence le fait que, sous son apparence de jeune femme frêle, l’énergie l’emporte largement sur la fragilité. En fait, elle affiche dès le début quelque chose comme de la fatigue, ce qui colle mieux à son personnage en fin de film qu’au début. Michael Sheen (Boldwood) est à son aise en hobereau fier et exigeant mais fragilisable par son besoin de reconnaissance. La vraie surprise, c’est Tom Sturridge en sergent Francis Troy. Beau visage mis en valeur par une élégante moustache. Port de l’uniforme irréprochable et la capacité à inquiéter sabre en main. La BO, agréable, va dans le même sens que les belles images locales, avec quelques titres issus du folklore. Dans l’ensemble, les paysages sont superbes, mais tendent vers une image du genre carte postale. La place accordée à une esthétique (un peu facile ?) se fait au détriment d’une description en profondeur de la société victorienne. Autrement dit, si le film se regarde avec plaisir, on peut douter qu’il devienne un vrai classique.

Electron
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le 2 juin 2015

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