Loin du paradis est un bon film car il amène à s'interroger sur les comportements que la société américaine juge les plus déviants. Malgré l'action dans les années 50, la critique sociale est d'actualité.
Nous suivons, le temps d'un automne, le quotidien d'une famille WASP bon teint de Nouvelle-Angleterre, paradis puritain s'il en est. Ce qui étonne dans ce film, c'est la fin, anti-hollywoodienne, qui justifie à elle seule son visionnage.
Le bon mari bourgeois et homosexuel arrive à vivre la vie qu'il souhaite, alors que sa femme ne peut sortir avec un homme noir, sous peine d'être exclue. Mieux vaut être gay qu'avoir une relation hétérosexuelle avec un noir si on tient à son statut, c'est ce que semble dire le film, et c'est audacieux.
Vu autrement, le film parle des relations entre classes sociales, et Deagan le jardinier le dit bien à Cathy, la femme au foyer blanche et aisée : « cela m'apprendra à vouloir sortir de mon milieu » (en sortant avec vous). En faisant le parallèle entre négritude et classe sociale, le film va plus loin que prévu : les blancs ne sont pas « racistes », simplement ils ne fréquentent pas les étrangers à leur milieu. Choisir de faire de l'amoureux noir un jardinier, et non un collègue cadre du mari, est une richesse scénaristique : c'est montrer que le racisme aux Etats-Unis repose sur des préjugés de classe autant que de couleur.
Ainsi le mari homosexuel et frustré (bien joué, sobrement, par Dennis Quaid) peut enfin se libérer car il va vivre avec un blanc, riche, fils de bonne famille, alors que notre héroïne, Cathy, ne peut accéder à la relation qu'elle souhaite avec son jardinier.
Je pensais voir un énième film moralisant « il faut aimer tout le monde, tout le monde peut accéder au rêve américain », mais voilà une oeuvre originale, et pessimiste... ce qui fait du bien pour un film hollywoodien.