Même quand il s'agit d'un Kubrick mineur, ça reste du grand cinéma

J'avais déjà vu le remake de Lyne qui était assez bon mais là autant dire que je préfère largement l'original qui évite de sombrer dans la vulgarité et joue beaucoup sur la subtilité.

( Attention la critique suivante risque de révéler des moments-clé de l'intrigue)

Si Lolita est le Kubrick qui me plait le moins j'ai quand même été remué par ce film. Tout d'abord je voudrais aborder l'aspect technique. Même si on a connu un Kubrick plus inspiré derrière la caméra, la mise en scène de Lolita reste de toute beauté. Entre travellings et plan-séquences soignés, nous sommes gâtés. Chaque cadrage, chaque plan est étudié minutieusement et le tout est sublimé par une photographie, encore une fois, à tomber par terre, un Noir & Blanc somptueux est utilisé en guise de douceur pour la rétine. Le scénario du film est également un modèle de maîtrise. Si le sujet semble être aseptisé par rapport au roman ( Le code Hays était encore en vigueur), force est de constater que Kubrick tourne ça en son avantage en proposant une oeuvre qui se base avant tout sur la subtilité et joue volontiers sur l'ambiguité des personnages et des relations entre eux, en particulier bien entendu la relation Lolita-Humbert. Les personnages du film sont très intrigants et d'une profondeur remarquable. Humbert apparait ici comme un homme entre deux-âges qui se retrouvera dévoré par une passion dévorante et excitante du fait des "interdits" moraux mais qui se laissera posséder celle-ci et deviendra un beau salaud. James Mason est génial dans ce rôle. Son personnage vivra chez Charlotte, la mère de Lolita, surtout pour rester près de la fille tout en rejetant les avances de sa mère, femme passionnée, qu'il épousera en fin de compte pour avoir l'autorité sur Lolita en cas de décès de la mère. D'ailleurs il est intéressant de voir jusque dans quels retranchements un homme passionné peut-il aller afin d'arriver à ses fins.

L'énigmatique Lolita est l'objet de cette passion, cette nymphette qui d'un regard a envouté cet homme mature. Au fil du temps elle observe cette fascination dévorante du professeur envers elle et en jouera beaucoup. Elle semble à la fois posséder la conscience d'un adulte mais aussi l'innocence d'une fille de son âge, ce qui en fait un personnage presque à double tranchant et cette fille est juste fascinante et magnifiquement interprétée. Bon par contre le personnage le plus mystérieux reste ce fameux Clare Quilty que l'on rencontre pour la première fois dans la séquence d'ouverture où Humbert décide d'en finir avec lui. Quilty ( Encore une performance de malade Peter Sellers, qui augure celle(s) de Docteur Folamour deux ans plus tard) est un homme qui comme Lolita est un objet de fascination mais à grande échelle, les femmes l'adulent et on découvrira que Lolita aussi en particulier. C'est un homme qui semble prendre du plaisir à manipuler sans pour autant vraiment se l'avouer à lui-même, ses longs monologues reflètent une personnalité maline et taquine, ce personnage semble toujours dégager cette impression de tirer les ficelles. Lolita creuse la personnalité de ses personnages, touche à l'intime tout en gardant une forme de pudeur. On devine ce qui s'est passé mais rien ne nous est dit, rien ne nous est montré. La relation incestueuse semble évidente, le fait que Lolita se soit tapé le fils de la directrice au camp aussi mais ce film c'est tout un lot d'ambiguités, de mystères à percer. De plus le ton du film se veut aussi assez ironique, il prend plus la forme d'une comédie noire teintée d'un drame puissant. Pour conclure, Lolita n'est pas le meilleur Kubrick et pourtant le film possède son lot de qualités aussi bien artistiques et techniques que scénaristiques. On retrouve la patte du cinéaste dans cette oeuvre noire et ironique, un film qui ne m'a pas laissé indifférent et qui fut quand même une bonne surprise, moi qui m'attendait à un film "seulementé bon. Une réussite indéniablement.
Moorhuhn
8
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le 15 avr. 2012

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Moorhuhn

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