Forcément, quand on a lu le livre peu avant, on attend beaucoup de l'adaptation cinématographique. On s'attache au détail. On s'ennuie plus facilement, aussi.
Lolita, c'est l'adaptation du chef d'oeuvre éponyme de Nabokov, ça tout le monde le sait ou du moins doit le savoir. Je fus assez époustouflée par l'actrice jouant l'intéressée : elle est tout d'abord superbe, et son jeu d'acteur est parfait, c'est la Lolita idéale, avec juste, petit bémol, deux ans de trop. On me dira que ouiiii c'était pour éviter la censuuuure tout ça. Chose que je comprends très bien. Mais cela ôte ainsi au film toute la dimension nymphette, fascination obscène et lyrique pour l'enfant, pour toutes les petites filles, et ce n'est plus le corps, la souplesse, la vie de l'enfant qui sont divinisés, mais ceux de la femme. On a beau dire, ça change quand même tout. Ainsi, quand Lolita devrait être tout juste bourgeonnante, prépubère entre deux stades, la Lolita du film est déjà une femme, ce que l'on voit dès les premières scènes. On perd donc une grande partie de l'ambiguïté de l'amour liant notre héros à sa Lolita, malgré un érotisme et une passion très présents.
Tout est ainsi, dans la relation qui les lie, dans la discrétion. Cela a son charme aussi. Rien n'est évoqué explicitement. Pas même de baiser, pas de mots d'amour, on devine. Je suis sans doute abominablement perverse, mais j'eus aimé plus de fidélité à l'oeuvre originale à ce niveau-là, ce qui je précise n'est pas demander la lune, puisque le sujet est traité dans le livre mais reste allusion et effleurements.
Un autre reproche que je fais au film est d'avoir ôté toute la subtilité du dévoilement de Clare Quilty. Dès le début on nous l'annonce, mais même en-dehors de ça, il est tout le temps présent, il parle même au héros, et ainsi on connaît le dénouement immédiatement, tandis que c'est très loin d'être le cas dans le livre. C'est un choix de Kubrick. Que ce soit génial ou pas, je ne sais pas. Mais je ne juge pas Kubrick en tant que génie à idolâtrer sans mesure, je juge son film par rapport au livre et à mon ressenti. Peut-être est-ce réducteur de ne faire que comparer, mais ça m'a vraiment empêchée d'apprécier le film à sa juste (?) valeur. J'aime pas trop quand on connaît la fin au début, je suis un peu primaire moi, même si je connaissais déjà la fin en question. En tout cas, il y a dans le film une bonne dose de mystère et de tension en moins, ce que je trouve regrettable.
Dans la catégories "reproches", je n'en ai plus qu'un à faire : la longueur du film. Ca traînasse un peu. En même temps, ça traînasse carrément dans le livre aussi donc bon, hein, voilà, je suppose que c'est normal.
A part ce florilège de critiques, j'ai quand même mis 6 : parce que je considère que le film est en soi assez bien fait, que même si c'est long on passe un moment sympa, que les acteurs sont incroyables (Sue Lyoooon <3), que pour l'âge de Lolita c'est dommage mais sans doute nécessaire. Une adaptation avec une fillette véritablement âgée de 12 ans restera un fantasme personnel.
Ah et puis j'aime bien Clare Quilty et sa copine qui fait peur. Non en fait je les déteste, mais eux aussi sont admirables dans leur rôle. Chapeau.
Pour conclure, je dirais que pour avoir une idée de la passion pédophile mais magnifique du héros pour les nymphettes et sa justification, pour voir dans toute son immensité l'ambivalence du personnage, son horreur et sa beauté, il faut lire le livre. Car le film n'en donne qu'une image réduite, et passe outre la partie la meilleure de l'oeuvre de Nabokov à mes yeux : la première, truffée d'humour et de lucidité.