Il est difficile de noter "Looper". Non seulement parce que Rian Johnson nous offre un scénario plutôt original et parce que son long-métrage est doté d'une empreinte esthétique particulière : montage "cut" prononcé, rythme saccadé et construction narrative pyrotechnique.

Mais "Looper" est avant tout un film de science-fiction sacrément burné. Nous sommes en 2044 et la Mafia du futur a mis au point un système de machine à remonter le temps, machine qui permet d'expédier des victimes dans le passé, afin que ces dernières soient exécutées. Par qui ? Par des "Loopers", une sorte de tueurs à gages équipés d'un tromblon et rémunérés en lingots d'argent. Sauf que le Looper peut aussi se faire rémunérer en lingots d'or. Mais si c'est le cas, c'est qu'il sera chargé de se tuer lui-même, autrement dit son "lui" du futur. C'est ce qu'on appelle "boucler sa boucle".
Sauf que ces derniers temps, ce genre de contrat bouclé se multiplie. Joe, le Looper que l'on suit dans le film, apprendra par son "lui" du futur qu'il s'agit en fait d'un plan machiavélique d'un bandit légendaire, nommé le Maître des Pluies...

Comme évoqué juste précédemment, le scénario de ce long-métrage est plutôt dense.
De fait, le film commence par exposer le rythme de vie de Joe, entre exécutions derrière un champ de cannes, virées en boîte de nuit, drogue, prostituées, etc. Joe est pleinement inséré dans un réseau mafieux pour le moins violent. A cela, s'ajoute son univers d'évolution, une ville froide et métallique où la télékinésie est devenue une religion de vie.
Et c'est justement sur ce dernier point que le film va s'égarer, par la suite. Car si la première partie du scénario se base et s'oriente autour de l'organisation des Loopers, la seconde partie, quant à elle, va se centrer sur un secret de famille, famille dans laquelle se réfugie Joe en cavale. A ce moment là, le Joe du futur a pris la fuite et il compte bien exécuter son plan machiavélique : tuer le Maître des Pluies, qui est encore un enfant dans le présent.

On commence ainsi par un rythme soutenu, dense, très percutant. Mais le film se poursuit par une narration plus posée, plus sentimentale. Ce n'est pas gênant en soi, mais Rian Johnson a peut-être voulu combiner plusieurs films en un, quitte à négliger certaines pistes scénaristiques importantes. Ceci donne lieu à des ellipses parfois incongrues, ou au contraire, à des raccourcis plutôt osés. Je pense notamment à la fin du film, qui tout en étant spectaculaire esthétiquement parlant, se construit sur une synthétisation brutale de tous les évènements narrés dans la continuité du film.

C'est ce qu'on peut rapprocher à "Looper" : être trop gourmand, quitte à parfois être brouillon. Sans spoiler, je pense que l'histoire autour du Maître des Pluies prend trop d'importance dans la seconde partie du film, ce qui néglige la relation entre Joe et "Old Joe". Une relation dramatique encore naissante...

Mis à part cela, le film de Johnson cumule les atouts : une esthétique SF des plus appréciable, une tonalité dramatique dure et violente (ce qui donne tout le "charme", si j'ose dire, à ce long-métrage) et un casting de qualité. Willis assure son job sans trop mouiller la chemise et Joseph Gordon-Levitt est bluffant. Sa ressemblance avec Willis a bien été travaillée et son jeu d'acteur est pleinement maîtrisé. Un sans faute le concernant. Emily Blunt est toujours aussi à l'aise pour jouer la fragilité et cela fait toujours plaisir de revoir Jeff Daniels dans le rôle du méchant négligé. Et mention spéciale pour le jeune Pierce Gagnon, le Maître des Pluies enfant, qui est à l'origine de quelques séquences assez flippantes...

Je vous conseille de voir "Looper", car c'est un film singulier qui tient ses promesses et qui se distingue pleinement de l'offre filmique du moment. Le seul regret réside dans le fait qu'un tel scénario aurait pu être magnifié d'avantage si les intentions avaient été moins gourmandes.
Théo-C
6
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le 4 nov. 2012

Critique lue 529 fois

3 j'aime

Théo-C

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