Le film le plus beau et poétique de l'année 2015. Sans vraiment l'attendre, je suis tombé dessus un peu par hasard, mi intrigué mi réticent, tant il parait absurde de voir un acteur possédant la trajectoire de Gosling s'atteler si jeune à cet autre coté de la caméra avec autant de réussite.
Le spectateur part ainsi à contresens, et pourrait commettre l'erreur de juger le novice en se basant sur des attentes trop personnelles : le BG à qui tout sourit et qui se lance dans la réalisation. L'intelligence de Ryan Gosling est alors de garder ce spectateur en terrain connu. En plaçant son sosie dans la peau de l'acteur principal, en créant une ambiance crépusculaire et hors du temps sublimée par une BO onirique, il nous transporte dans un film de son réalisateur fétiche (et père de l'illustre Drive) Nicolas Winding Refn.
Le film est un effet de style assez réussi. S'il emprunte son esthétique - avec succès - à instagram et ses filtres veloutés, l'ensemble de la photographie nous plonge dans les sombres rêves de son réalisateur, au sein de cette "rivière perdue" où les personnages se mouvent au ralenti.
La parabole est belle avec ce monde renversé qui semble effectivement tout entier sombrer et se morfondre sous les eaux. Une chaleur poisseuse s'y abat, et les couleurs nébuleuses assombrissent de trop rares rais lumineux, le plus souvent enflammés. Ses habitants ne parlent presque pas, ou ravalent leurs mots, ils sont comme asphyxiés. Point d'héroisation ici, (si ce n'est de la sublime Eva Mendes) mais la lutte contre le destin.
Lentement, l'histoire, qui brille par son apathie, se met en place, et agence les codes de la tragédie.
Les 1H30 passent lentement, et à leur terme, le rêve passe, on se réveille, un peu étourdit, comme à la fin d'un doux poème.