Le « merveilleux film de femme » est une espèce de label AOC, validé par la critique et unanimement encensé par les amateurs de merveilleux films de femme (sans « s », sinon c’est pas des vrais). Il se reconnaît à sa pudeur, à ses non-dits, à sa douceur douce-amère, à sa délicatesse à fleur de peau, à ses petites touches bien observées, à sa sensibilité typiquement féminine quoi.


Nelly Kaplan, Coline Serreau, Liliana Cavani, Chantal Akerman ne font pas de merveilleux films de femme. Agnès Jaoui, Diane Kurys, Zabou Breitman, Jane Campion, si. La Leçon de Piano est même l’archétype du merveilleux film de femme, même que c’est pour ça qu’il a obtenu à Cannes la première Palme d’Or jamais décernée à une femme.


Or Sofia Coppola, si elle n’a pas fait mieux que Lost In Translation, entre inexorablement dans cette catégorie. Entendez par là qu’elle fait tout un pataquès de deux zozos qui sont malheureux comme des pierres parce qu’ils sont au Japon et pas aux Etats-Unis, mais sans en faire un puisqu’elle procède par petites touches bien observées, qu’elle les fait entrer en relation mais ça prend un temps fou à cause du coup de la délicatesse à fleur de peau, qu’ils ne font pas grand’chose de plus que massacrer divers morceaux dans des karaokés parce qu’autrement ce serait plus pudique ni doux-amer, et qu’à la fin ils en pleurent de joie tellement ils avaient besoin de chaleur humaine, seulement faut pas qu’ils le disent à cause du coup des non-dits.


Ben qu’est-ce que c’était chiant. Régulièrement, je décrochais et quand je revenais au cœur de l’action, miracle, j’avais rien raté et je comprenais tout impec. Même le grand Bill Murray est pitoyable à revêtir une fois de plus ses habits usés de vieux loser paumé, et c’est pas une question d’habits, il porte les mêmes dans Olive Kitteridge de Jane Anderson et il y est bouleversant parce que la série est VRAIMENT bouleversante au lieu d’être archi-codée et balisée. Remarque, à un moment quand il fait sa séance de photos, il balance sa version de James Bond et alors là, waouh quelle classe, et… Rien à faire, j’ai encore décroché.


A tout prendre, mieux vaut un merveilleux film de femme qu’un abominable film d’homme comme Terminator ou Conan le Barbare, pourra-t-on arguer. Pas vraiment. Parce qu’il y a suffisamment de réalisateurs qui font de grands films, mais un sacré déficit de réalisatrices qui ont un style ou des tripes.

OrangeApple
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le 4 oct. 2016

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