Si le diktat de l'urgence avait son empire, Tokyo en serait la capitale. C'est au sein de cette vie ultra-active et bourgeonnante que Sofia Coppola place son histoire. Cette dernière est centrée sur un héros à la gloire révolue depuis longtemps et qui se situe dans la pente descendante d'une vie qui ne lui réserve plus aucune surprise. Jusqu'à ce que celui-ci rencontre une jeune fille qui lui ressemble sous de nombreux aspects.

L'histoire est un délicieux moment. On pourra ainsi suivre l'évolution de la relation entre Scarlett et Bill, et leurs escapades nocturnes dans Tokyo, allégorie parfaite de leur engourdissement dans un univers qui se déroule clairement trop vite pour eux. La morale, assez simpliste en soi, mérite d'être répétée une énième fois: apprécier les petits plaisirs, sans s'attendre au grandiose. C'est d'ailleurs clairement le ton donné par le film et son réalisateur. Pas d'espoir, pas d'enthousiasme, pas de suspens. Juste le plaisir malin de voir deux âmes en tourments se réapproprier un semblant de goût à la vie par le biais de petites anecdotes emplies de tendresse et d'amour. On aurait presque envie de traverser l'écran pour s'immerger aux côtés de nos Héros, conquis par la délicatesse et la vénusté des scènes et des dialogues entre les deux protagonistes.

Sur la forme, la caméra de Coppola opère comme à son habitude, en capturant la beauté là ou l'on ne l'attend pas. Dans un bar d'hôtel, dans une vue de tokyo de jour, ou même dans un strip club japonais. Les acteurs sont parfaits dans leur rôles mutuels. Bill Murray incarne avec brio la léthargie et l'épuisement du personnage principal face à une vie qui ne lui laisse plus tant de possibilités que lorsqu'il était jeune. Personnalité qu'il reprendra d'ailleurs dans Broken Flowers un peu plus tard. Scarlett (dans sa petite culotte rose) symbolise la fragilité d'une jeune personne qui cherche quant à elle sa place dans la vie active. Ils se complètent, ils sont complices, et le résultat est très convaincant.

Alors évidemment, dans un film où la lenteur et l'isolement sont mis à l'oeuvre, il ne faut pas s'attendre à des séquences rapides qui s'enchainent de manière à insuffler un mouvement véloce à l'ensemble. Il faut savoir apprécier l'indolence et la paresse pour pouvoir profiter pleinement de ce très beau film, où, comme dirait Beaudelaire, "tout n'est que luxe, calme, et volupté".
Sheffie
9
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le 27 avr. 2011

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Sheffie

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