En réfléchissant à ce que j'allais écrire, je me suis dit que de toute manière, Love appartenait à cette catégorie de films qui ne craignent pas les spoilers. Ce n'est pas complètement vrai et je ferai attention aux quelques éléments narratifs qu'il faut préserver.


Le film se présente comme un long stream of consciousness, une plongée dans les souvenirs de Murphy. Comment se souvient-on d'une histoire marquante ? Dans quel ordre les souvenirs affluent-ils ? Qu'est-ce qu'on retient de cet autre qu'on n'a pas su retenir ? Et puis, d'ailleurs, que fait-on de nos vies ? De ce point de vue, le film est une grande réussite. La chronologie peut être reconstituée, à la manière d'un immense puzzle qui vous laisse toutes vos chances mais qui, finalement, n'a pas grand intérêt. En négligeant les détails, on se laisse porter par les personnages et leurs déambulations dans Paris, entre le sexe, la drogue, les projets, les constats d'échec, les gémissements de plaisir et les hurlements de haine. Par moments, on a le sentiment de regarder un mélange d'Eternal Sunshine of the Spotless Mind et d'Eyes Wide Shut, ce qui est encore une fois plutôt réjouissant à mon sens. Finalement, ce couple porte quelque chose d'universel, on se retrouve en eux quand ils sont tendres comme quand ils se cherchent, pensant parfois à s'extirper du couple alors même que celui-ci les rattrape inlassablement, comme une fatalité. Souvent, lors de la séance, j'ai eu envie d'écrire ; autant dire que j'ai trouvé le film très inspirant. Voilà pour les éloges. Le problème, c'est qu'il y a aussi beaucoup à critiquer.


D'abord, on s'ennuie assez régulièrement. Les scènes les plus chaudes sont évidemment très réussies du point de vue de l'érotisme, mais aussi de celui de l'esthétisme. Encore une fois, le duo Noé/Debie a su trouver les plans, les couleurs, les corps, qui font que le tout est magnifique... mais qu'est-ce que c'est long, bon sang ! J'en profite pour faire un spoiler esthétique :


une fois qu'on a compris que tous les plans seraient soit en verticale, soit en horizontale, soit en diagonale, on commence à ne plus penser qu'à cela et très vite, on ne prend plus beaucoup de plaisir à voir le film...


Et puis, vers la moitié, on comprend que tout cela vire au catalogue et que ce qui est en jeu dans le film, c'est une certaine forme, assez agaçante, d'exhaustivité. Alors nous voilà partis : comment ça couche ensemble, un couple, quand c'est heureux ? Check. Quand c'est pas content ? Check. Quand c'est jaloux ? Check. Etc, etc, etc, etc, etc.


Dans un tout autre registre, les multiples citations et clins d’œil que fait ou se fait Garpar Noé tout au long du film ont de quoi énerver doucement. La scène de la fête dans laquelle Murphy explique qu'il veut faire un film avec du sexe et de l'amour, par exemple, aurait pu être un moment de second degré. Raté. Il se lance des fleurs. Tout seul. Comme un grand. Bravo Jean Couteau.


Enfin, je terminerai sur ce point, je n'ai pas, mais alors absolument pas compris pourquoi on a tous dû se faire mal aux yeux et à la tête avec ces fichues lunettes 3D alors que le film n'utilise quasiment pas de 3D. L'image semblait grise d'un bout à l'autre, alors qu'en retirant quelques instants ces atroces machins, on pouvait voir des images tellement lumineuses ! À part deux ou trois plans, la 3D est sous-utilisée et demeure strictement gênante.


Le bilan reste donc très mitigé. Objectivement, je ne pouvais pas descendre à 6/10 mais je trouve que ça l'aurait un peu valu. Comme dans Lost River, il est dommage que la beauté des images implique une sorte de paresse narrative et que la lenteur confine à l'ennui. Certes, c'est une expérience sensorielle, certes Noé joue avec notre perception du temps mais il ne faudrait jamais oublier que, quand on sent le temps passer, c'est qu'on ne passe pas exactement un bon moment.

Picaro_funambule
5

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le 9 juil. 2015

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