Edith Piaf. En chœur, j'entends raisonner l'Hymne à l'Amour de la grandissime Edith. Ses conquêtes fastidieuses, sa vie extravagante pour son époque, ses amours, ses amants. Murphy et sa comparse seraient les Amants du Pont-Neuf. Si Love transperce l'éventail d'un soufflet érotique tant attendu dans les cinémas, il est aussi grandiose. Mais que dis-je, je m'empresse de caresser la conclusion, alors que mon angle d'attaque n'est pas établi. Si j'aime une œuvre, je l'aime.
Je ne cherche pas à faire semblant, et ne me fie pas au simple feeling d'appréciation. Je visualise et contemple l'entièreté de ce qui m'est présenté pour le reconstruire dans ma pensée.


I-Girl


Murphy aime une fille. La fille aime Murphy. La fille c'est Electra. Vous connaissez la Loi de Murphy ? Une loi purement empirique, d'expérience personnelle, et plutôt pessimiste. Je me permets d'emprunter à WIKI : "tout ce qui est susceptible de mal tourner tournera mal". Qui de Murphy ou d'Electra va mal tourner ? Electra n'est pas sans rappeler la pièce de Sophocle, "Electre". Gaspar Noé s'est encore entiché de références plus ou moins volontaires, et prêt à les prendre à contre courant pour secouer notre cerveau. Si Love s'annonçait comme le porno évènement de la décennie, eh bien il pourra satisfaire vos attentes. Au delà du jeu érotique, le film est clairement un porno HD et clipesque comme on retrouve chez Brazzers, sauf que celui ci est à double tranchant. Flanqué d'une narration, et d'un bon storytelling, ce porno de luxe est une œuvre inattendue dans le paysage français mais pas chez Gaspar. Après bien des sujets attaqués, le temps, la drogue, le psychédélisme, la quête de soi, Noé s'attaque pour de bon à l'amour, le vrai. Et qu'en est-il ? Love est un chef d'œuvre. Seulement quelques films par décennie atteignent ce niveau d'excellence. Comme Irréversible, tiens. Au delà de la quête de soi par le prisme charnel et la découverte des corps mutuels, Love pénètre (bravo c subtil) au cœur de l'Eros, ce concept platonicien de l'essence et force de vie, répondant du Logos. Chez Noé, la vie est régie par des pulsions qui nous mènent à des choix parfois éloignés des croyances que nous croyons embrasser. Vincent Cassel dans Irréversible, qui va s'éloigner de qui il est au début d'Irréversible par exemple. De par ses déconstructions narratives, ses métrages se présentent comme des acheminements de la décadence. On commence heureux, et on fini flétri par la déception, la violence et la cruauté. Ici, un gars deux filles ont la chance (?) de représenter un triangle amoureux d'abord vivace, puis qui va se retrouver en proie à la routine et à la déception. Ici, Gaspar se branle encore beaucoup sur lui-même. Il nous parle de lui, directement au travers de Murphy, comment il était avec les filles dans sa jeunesse, son amour invétéré pour 2001, et sa vulgarité provocatrice sous couvercle de "je suis un véritable artiste, respectez moi". Love, œuvre de psychanalyse transpersonnelle ou arnaque porno honteuse sans vergogne ?


II-Tragédie Grecque


Au sein du récit de cette oeuvre, ainsi que de son dénouement, il est impossible de ne pas penser au théâtre des Anciens. La descente aux enfers, même si mise en avant dès le premier tableau, est ici comparable à la chute d’œdipe, fataliste. La coucherie avec Jocaste, ici la tentation de Murphy vers une seconde femme, à savoir Omi. L'assassinat du père, Laios, ici représenté par la destruction progressive de la part masculine de Murphy, pris dans un triangle amoureux, il s'oublie, notamment ce qui selon sa projection archétypale fait de lui un homme, et se transforme en une 3ème femme, mais toujours sous un modèle de projection. Il devient plus frêle, sensible, et clairvoyant, ce qui dans les croyances populaires sont les composites du 6ème sens de la femme. Mais après cette ouverture, cette fleur s'ouvrant, elle bourgeonne aussi tôt pour se renfrogner sur elle même, il n'est plus qu'un palefrenier pour lui-même, un esclave sexuel s'oubliant dans sa passion charnelle engendrée par des années de désir sexuel. Love est lové, rodé, une tragédie grecque moderne iodée par les semens d'un homme qui va perdre toute son énergie dans ce qu'il voyait comme la tradition la plus noble : le sexe. Car au début, après l'intro, notre personnage est heureux, un bobo bohème libertin prétendument artiste, noyé dans un noueux flot d'inspiration. Mais vite, la poésie triviale et incongrue de la vie, et notamment de sa vie sexuelle acharnée le rattrape, mais Noé voudrait-il donc nous faire une critique facile, l'abus de sexe est-il dérangeant pour la santé ? Diantre, non. La suite dans le prochain épisode.


III-Dear Landlord


Autre prétendu élément de Love, l'esthétique. Les couleurs divinement belles et vives. La composition picturale enlevée, tamisée et très 2010's et 1990's. On s'y perd parfois presque dans ces toiles de couleurs surfaites, chaudes, artificielles, nocturnes. Le rouge, couleur de passion, n'est ici pas utilisé à contrario du symbole filmique. Il est bien présent pour représenter le "Love" en question. Car au delà d'être un film sur l'Amour, Love se veut une histoire sur le "amour", en le prenant dans un sens large de nom commun. Alors avant d'essayer de le définir dans l’œuvre, quoi de mieux que de nous faire une chose si simple et qui tombe sous le sens : une affiche rouge passion, comme le rouge à lèvres.
Et bien sûr deux langues baveuses, qui apparaissent ici presque crades, car un baiser c'est pêché, c'est la langue fourchue du serpent biblique, c'est le monstre qui sommeille en nous et que nous devons enfouir. Bien sûr, Noé, en bon gros dévergondé, ne montre pas que le sexe, l'amour, etc c'est mal et je pense que n'avez pas eu besoin de moi pour le comprendre. Il joue constamment sur les contraires et contrastes, sauf, quand il s'agit de la couleur pour exprimer l'image et le symbole.


IV- Poems, Prayers & Promises


Alors Love serait donc quoi ? Une œuvre à la forte poésie romantique ? Un idylle sauvage et bestial de l'amour et du sexe ? D'ailleurs que pense le film de cette question. Noé ne montre clairement pas encore une fois une quelconque opinion, il ne réunit ni ne sépare les deux, voyons les plutôt comme une complémentarité, une alchimie oblige. Après, l'amour est lié indéniablement au sexe dans l'œuvre, les personnages s'aiment et baisent, ça c'est le gros du film. Mais baisent-ils forcément par amour de l'acte ? La question vaut le coup d'être retournée. Ici, le sexe est bien filmé, ok, mais plutôt primal dans son approche. Pas d'artifices. J'ai beaucoup lu ci et là que le film était grossier, gratuit, et ok si on excepte le sperme qui gicle en 3D et le fait que le film est destiné à un public supérieur à 15-16 ans, il n'est jamais dans l'ostentatoire, ni dans le tourné-monté sexuel et faste.


La surenchère ne tourne pas à la supercherie. Ce que le film gaspille en érotisme moderne et ultra sexué il le transmute en poèmes, prières et promesses, comme si c'était un Ouroboros poétique et physique, par delà le symbole.


V-Les Promesses de l'Ombre


Poèmes à chaque fois que Murphy songe à son passé mélancolique, pour se re-rapprocher d'Omi, fuyant sa relation avec Electre en proie à la fin inévitable. D'ailleurs quand je rapprochais, notre Electre à Sophocle, Murphy pourrait être rapproché à l’œuvre de Beckett, sensible chaotiste, songeur éveillé metteur en scène des sens dans un théâtre plus que réaliste et au paroxysme entre mise en scène et présentation brute. Murphy est brut, un mâle qui se veut dominant dominé par sa sensibilité et par sa tentation constante envers ce qu'il ne peut posséder. Prières car il rêve de reprendre son dû, et retrouver sa belle Omi, sa déesse exotique, ce n'est pas pour rien que le prénom Omi est utilisé, il évoque le nom d'une déesse de la mythologie finnoise ou encore hawaïenne. Et enfin les Promesses. Celles qui n'ont pas été tenues, qui ne le seront jamais, les retrouvailles impossibles, l'impasse.


Tragédie. Love est une tragédie grecque.


Une histoire d'amour incomplète et qui montre que le passé ne peut être retrouvé, et une fois un pied dans l'amour conjugal, tout ce qui s'ensuit ne peut être banni, jusqu'à l'apogée des destins respectifs, plus ou moins négatifs, plus ou moins désespérants.


folie —
folie que de —
que de —
comment dire —
folie que de ce —
depuis —
folie depuis ce —
donné —
folie donné ce que de —
vu —
folie vu ce —
ce —
comment dire —
ceci —
ce ceci —
ceci-ci —
tout ce ceci-ci —
folie donné tout ce —
vu —
folie vu tout ce ceci-ci que de —
que de —
comment dire —
voir —
entrevoir —
croire entrevoir —
vouloir croire entrevoir —
folie que de vouloir croire entrevoir quoi —
quoi —
comment dire —
et où —
que de vouloir croire entrevoir quoi où —
où —
comment dire —
là —
là-bas —
loin —
loin là là-bas —
à peine —
loin là là-bas à peine quoi —
quoi —
comment dire —
vu tout ceci —
tout ce ceci-ci —
folie que de voir quoi —
entrevoir —
croire entrevoir —
vouloir croire entrevoir —
loin là là-bas à peine quoi —
folie que d’y vouloir croire entrevoir quoi —
quoi —
comment dire —


comment dire

PaulClair
9
Écrit par

Créée

le 13 mars 2019

Critique lue 207 fois

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