Celui qui nous avait dérangés avec son "Seul contre tous", choqués avec son "Irréversible" et hypnotisés avec son "Enter the Void" revient cette année avec un film sur l'amour, les sentiments et le sexe. Sorti le 15 juillet et interdit depuis le 30 aux moins de 18 ans, "Love" est, sur le papier, un film porno en 3D. Mais c'est, comme toujours avec Gaspar Noé, bien plus que ça.


Avec son nouveau film, l'enfant terrible du cinéma français propose une nouvelle façon d'envisager la romance au cinéma. Au travers de l'histoire d'amour agitée entre Murphy et Electra, il livre une véritable expérience sensorielle, aussi magnifique à vivre que complexe à appréhender. Pour faire simple, il s'agit d'une expérimentation sur l'évolution des relations au sein d'un couple porté par l'hystérie du toujours plus. Des belles promesses des premiers jours aux plans à trois et aux clubs échangistes, de l'ivresse des débuts à l'opium et à l'ayahuasca : Noé tente de montrer, comme dans "Irréversible", que le temps détruit tout.


A vrai dire, le début du film est assez déroutant. On se demande si Noé n'est pas en train de s'adonner à un trip de mégalo en réalisant un film autour de ses propres fantasmes, en recyclant sa tour Love d'"Enter The Void", en nommant un personnage Gaspar, puis un autre Noé, en jouant lui-même et en faisant jouer son copain Maraval ainsi que des filles rencontrées en boîte, à qui il a dû promettre un rôle. Il semble plonger dans la facilité, tourner en rond et garder des plans fixes pour se moquer du spectateur fatigué qui s'ennuie. C'est de la provocation, c'est du délire mais on finit par y entrer avec lui. Il se fait plaisir en multipliant scènes pornographiques jusqu'à nous proposer une faciale en plein écran (et en 3D), comme pour nous éclabousser de son mépris. Et c'est à partir de ce moment, couplé à la bagarre entre Murphy et Noé, qu'il opère une rupture de rythme et que le film prend toute sa saveur.


Grâce à des cadres soignés et à un choix musical de très bon goût, Gaspar Noé explore en beauté ce qui l'obsède, ce qui sépare la vie de la mort : les sentiments et les sensations. S'il est vrai que le film ressemble parfois à un gros coup commercial basé sur le slogan du "premier film porno en 3D", il faut tout de même admettre qu'il se place dans la lignée des films fascinants et subversifs que Noé admire. Des films dont il accroche les affiches aux murs de la chambre d'étudiant de son alter ego Murphy, comme pour rappeler au cinéma moderne sa liberté perdue. La liberté des années 70, celle de Weston et de "Defiance", celle de Pasolini et de "Salo", celle de Scorcese et de "Taxi Driver", celle de Kubrick et de "2001".
Même si "Love" n'est pas le meilleur film de Noé, il vaut, sans aucun doute, le coup d'oeil (averti).


Gaspar Noé, l'enfant terrible du cinéma français
Il est italo-argentin. Il a étudié le cinéma à Paris. Il est devenu l'un des réalisateurs les plus sulfureux de sa génération. A la fois habitué de la provocation et du Festival de Cannes, Gaspar Noé est un réalisateur trop rare sur grand écran (seulement 4 longs-métrages en 30 ans de carrière). Celui pour qui "vivre avec une femme est comme partager son lit avec la CIA" réalise avec "Love", originellement proposé au couple Cassel-Belucci, son film le plus romantique, le plus calme, mais peut-être aussi le plus paresseux.


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Créée

le 16 août 2015

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