A l’image de son sujet, le film surprend par sa construction narrative déstructurée qui pourrait nous perdre mais qui va vite devenir sa force. Parce que c’est justement cette espèce de patchwork de film qui va le rendre plus dynamique, fouillis, en accord avec les contradictions qui animent Brian Wilson.


Si vous pensez encore que les Beach Boys sont juste des garçons sympathiques qui trimballent leur soleil californien dans leurs hits, ce film va vous faire voir une autre face, pas l’envers de tout le décor, non, juste quelques morceaux choisis du destin de Brian Wilson le véritable esprit créatif du groupe.


On arrive dans la vie de Brian par deux portes qui resteront nos deux fils conducteurs: d’un côté il est jeune, le groupe a déjà produit des tubes pleins de bons sentiments et de soleil, oui des tubes de crème solaire en quelque sorte.
Sauf qu’on voit vite que Brian est à la recherche d’autre chose: il abandonne les tournées pour se consacrer à la musique, et il le fait comme seuls les vrais artistes le font: entièrement, avec une passion folle. Et on assiste à la naissance de ses plus grandes œuvres comme de petites souries entrées dans le studio, c'est jubilatoire même si le personnage nous fait un peu peur par moments.


En parallèle le Brian plus âgé fait peine à voir: plus aucune création musicale, juste un être déphasé qui tente de se raccrocher à la vie. On sent que la sensibilité est là, à fleur de peau. Un Brian malade, bourré de médicaments, dont on peine à savoir s’il faut blâmer le traitement ou le gars qui s’est laissé aller au point d’avoir besoin d’être suivi.


Ces deux aspects sont aussi intéressants l’un que l’autre, et on arrive facilement à faire le lien et à voir ces univers, acteurs, et contextes différents comme un tout.


Le propos du film est davantage de nous parler de la différence de Brian que de sa vie. Aussi on a l’impression d’être associé à son processus créatif, à ses angoisses, à sa particularité, et même si on ne comprend jamais tout à fait ce qu’il entend ou ressent, on voit un être doucement fou, ou génialement créatif.


Il n’y a pas de frontière entre la folie et le génie, et “love and mercy” traite Brian Wilson avec assez de savoir-faire pour lui laisser son intimité, pour suggérer ce qui l’anime et ce qui le détruit.
Y a t-il plus belle façon de rendre hommage à un artiste?
Je ne crois pas, et même si on ne peut pas juger de la véracité des scènes, penser que la partie la plus récente est très romancée, au final ce n’est pas grave, l’important c’est de comprendre que Wilson est peut-être inadapté à beaucoup de choses, ingérable, difficile à vivre, mais qu’il est avant tout un être sensible capable de sombrer totalement ou d’enfanter de magnifiques morceaux.
Ça nous rappelle combien le monde serait morne s'il n'était pas capable d'abriter des gens complètement hors norme.


Un beau propos bien traité, servi par des acteurs excellents:
Paul Dano nous a déjà habitué à ses interprétations de personnages un peu dérangés, mais c’est comme si pour chaque rôle il savait moduler sa folie.
John Cusack tout en délicatesse et en justesse.


Le tout baigné par la musique, forcément. En permanence on entend une sorte de fond sonore, comme un bourdonnement pour nous immerger dans le crane bouillonnant de Williams. La gestation de pet sounds est aussi un grand moment, on se délecte de voir s’animer Brian devant les musiciens comme si sa vie en dépendait.


Un bien beau film, dont on regrettera pourtant certaines longueurs et un manque de souffle par moment qui empêchent d’en faire un chef d’œuvre, mais on ressort de là avec une folle envie de se laisser accompagner par la musique de Brian Williams, comme quoi le pari est réussi.

iori
8
Écrit par

Créée

le 19 août 2015

Critique lue 319 fois

2 j'aime

iori

Écrit par

Critique lue 319 fois

2

D'autres avis sur Love & Mercy - La véritable Histoire de Brian Wilson des Beach Boys

Du même critique

Adults in the Room
iori
8

La dette qui avait trop de Grèce (ou l’inverse)

Voici un film qui illustre parfaitement une certaine idée du cinéma, celle qui permet à des orfèvres de s’emparer de sujets politiques difficiles, abscons et d’en donner une interprétation qui permet...

Par

le 24 oct. 2019

31 j'aime

Jalouse
iori
7

Le cas-Viard

Comme quoi c’est possible de faire une comédie qui force le trait sans tomber dans la danyboonite aigüe (une maladie de la même famille que la kev'adamsite ou la franckdubosquite). Karine Viard...

Par

le 14 sept. 2017

27 j'aime

9

Les Cowboys
iori
8

Kelly watch the stars

François Damiens dans un film qui s’intitule “les cowboys”, où il incarne un père de famille fan de country dans les années 90. Voilà une base qui donne envie. Envie de fuir bien loin. Sauf que ça se...

Par

le 18 nov. 2015

24 j'aime

7