Jeff Nichols fait partie de cette trempe de réalisateur ayant commencé dans l'intimité, à qui il aura fallu un soi-disant "gros" film pour être mis sur le devant de la scène, et pour Nichols ce film s’appelle Midnight Special. Il lui aura fallu un peu moins de 10 ans donc pour sortir véritablement de l'ombre puisque son premier film était sorti en 2008.


Alors qu'il ne voulait pas s'occuper d'un projet qu'il n'avait pas proposé lui-même, Nichols a finalement accepté la proposition de Raindog Films car l'histoire des Loving l'avait touché. De plus la première version du scénario écrite par Jeff n'a été modifiée que de très peu, quelques mots pour être précis, une chose rare apparemment.
Ce qui est privilégié par Nichols dans cette histoire d'amour impossible d'après la loi, c'est bien l'histoire d'amour, le documentaire The Loving Story aurait déjà développé le coté médiatique et judiciaire de l'histoire. D'ailleurs de nombreux dialogues du documentaire, phrases des vrais Loving auraient étés repris voire copiés dans son film. Le réalisme poussé à l'extrême en somme, jusque dans le choix des décors qui sont véridiques pour certains, la prison où on voit le couple par exemple est toujours la même, tout comme d'autres bâtiments.
Pour cette histoire vraie incroyable et aberrante car d'une stupidité affligeante, comme bon nombre de faits humains qui parcourent nos cultures de toute manière, Nichols choisit finement son casting. Joel Edgerton était un choix facile puisqu'il l'a fait jouer dans son précédent film, sa manière d'intérioriser les sentiments et son physique ressemblant au véritable Richard Loving a fait mouche. Ruth Negga de son coté a été choisie bien avant les auditions, elle se serait même enfermée trois jours dans une chambre pour bosser le rôle. La fille des Loving, Peggy, consultante sur le tournage aurait été soufflée par la prestation, la ressemblance physique et émotionnelle des acteurs vis à vis de ses parents.


Nichols s'intéresse donc a ce couple qui ne voulait qu'une chose, vivre en paix, loin de la ville, pouvoir élever leurs enfants simplement, les voir courir dans l'herbe, vivre en somme. Grace à leur détermination à s'aimer et grâce à d'autres facteurs aidant, la loi contre le mariage interraciale fut abolie. Le film retranscrit superbement comment ce couple a subit et s'en est sorti, le duo d'acteurs étant bluffant. Intérioriser les émotions tout en les laissant paraître est une chose extrêmement complexe, Edgerton totalement possédé, livre une incroyable prestation, tout comme Negga qui elle incarne une femme ayant plus d'assurance que son mari, superbe. Le reste du casting est également parfait, et je suis obligé de parler de l'acteur fétiche et ami de Nichols, Michael Shannon, lui que j'ai attendu tout au long du film et qui se pointe pour même pas cinq minutes, m'enfin bon il reste incroyable même pour si peu de temps.
Techniquement, la réalisation est belle, posée, la mise en scène est forcément géniale, Nichols ne tombant jamais dans l'académisme, sautant même des scènes qu'on se serait à tous les coups tapé dans un autre film du genre, ce qui évite l'ennui et nous entraîne dans l'histoire. La photographie est à l'opposé complet de son précédent Midnight Special, sombre et bleuté, ici c'est lumineux et jaunâtre, toutefois plus nuancé que dans un James Gray. Ça représente bien l'époque où la nature avait encore sa place sur l’urbanisme. Rien à dire niveau décors du coup si ce n'est que les intérieurs sont magiques, on sent la simplicité de vivre en retrait de la ville dans les années 60, les voitures sont sublimes également. La bande son elle accompagne le tout joliment et ne tombe pas dans le mélo forcé.


En bref, Nichols signe une fois encore un film intimiste ayant eu la chance d'être présenté à Cannes, une réussite de plus pour ce réalisateur loin des paillettes d'hollywood.
Loving est d'ailleurs un titre parfait puisqu'il représente le nom de famille du couple mais également la tendresse, l'amour tout simplement.

-MC

Écrit par

Critique lue 594 fois

8

D'autres avis sur Loving

Loving
Velvetman
7

Loving v. Virginia

Dans une période où les films sur la ségrégation et la discrimination entre noirs et blancs pleuvent dans le cinéma hollywoodien actuel, Jeff Nichols tente à son tour de s’aventurer dans le combat...

le 2 févr. 2017

58 j'aime

4

Loving
Docteur_Jivago
8

Hit the road Rich

Après avoir brillamment fait ses premiers pas dans la science-fiction avec Midnight Special, le jeune et talentueux Jeff Nichols adapte ici une histoire vraie relatant un couple inter-racial dans une...

le 19 févr. 2017

31 j'aime

8

Loving
EricDebarnot
7

Scènes de la vie conjugale

"Loving" est ce que les journalistes snobs et pas très anglophones appellent un film "déceptif", c'est-à-dire trompeur, et pas décevant... même si les fans hardcore de l'aimable Jeff Nichols...

le 18 févr. 2017

20 j'aime

Du même critique

Mad Max - Fury Road
-MC
10

WHAT A LOVELY DAY !

Voilà que le film se fini, les lumières se rallument, ni une ni huit je fonce rejoindre mon Interceptor (ouais enfin ma punto quoi, un peu d'imagination !), je démarre le moteur et v'là qu'il...

Par

le 23 mai 2015

57 j'aime

7

Interstellar
-MC
9

Quand vient l'espoir

Vous connaissez "Interstellar" ? Un petit film peu connu réalisé par Dolan ou Nolan je ne sais plus, non parce que moi je l'ai trouvé très sympa et j'aimerais qu'il soit plus connu. Non sans...

Par

le 17 nov. 2014

57 j'aime

31

Once Upon a Time... in Hollywood
-MC
10

Mélanchollywood

Tarantino a déclaré il y a quelques années, en parlant des films Western et donc forcément de Sergio Leone, que d'après lui, on ne peut se prétendre réalisateur de Western qu'une fois qu'on en a...

Par

le 14 août 2019

53 j'aime

36