Pour son premier film en tant que réalisateur, l'acteur John Carroll Lynch signe une ode à la vieillesse, à travers l'extraordinaire longévité d'Harry Dean Stanton malgré une hygiène de vie des plus douteuse.


Harry Dean Stanton est Lucky, mais Lucky est aussi Harry Dean Stanton. Son rôle se confond avec sa vie. On le découvre dans son quotidien. Dès le réveil, il allume une cigarette, puis se verse un verre de lait et fait des exercices de yoga. C'est la recette de son succès, celle qui lui permet d'être indépendant malgré ses 91 ans. Ensuite, il se rend dans le café de Joe (Barry Shabaka Henley) et s'installe pour quelques heures, le nez dans une grille de mots-croisés. Puis, il rentre chez lui pour regarder des jeux télévisés, avant de finir sa journée dans un bar en sirotant un Bloody Mary, en compagnie de son ami Howard (David Lynch), dont la tortue terrestre s'est échappé de son jardin. Ainsi va la vie de Lucky, sous le soleil du Nouveau-Mexique.


Lucky est un cowboy solitaire. Il est d'un autre siècle, d'une époque révolue ou John Wayne était considéré comme un héros. Mais Lucky n'est pas un vieux con, passant son temps à faire la leçon aux plus jeune, tout en disant que c'était mieux avant. Certes, il grimace quand il voit deux jeunes hommes s'embrassant sur la bouche. Mais il fait aussi son mea culpa, en avouant son admiration pour Liberace, après l'avoir raillé durant ses jeunes années. Il est en constante évolution, en continuant d'apprendre, en stimulant son esprit par les mots-croisés et consultant son énorme dictionnaire pour comprendre les mots qu'il découvre. Il n'attend pas la mort, en s'apitoyant sur sa vieille carcasse décharnée. Au contraire, il continue de vivre en défiant la grande faucheuse, en consommant un paquet de cigarettes par jour.


Malheureusement, la fiction a été rattrapé par la réalité. Harry Dean Stanton s'est éteint le 15 septembre de cette année. De ce fait, Lucky devient un hommage à cet acteur, dont la carrière fût des plus riche. On va croiser certaines personnes qui ont compté dans son parcours, comme Tom Skerritt, avec lequel il a joué dans le classique Alien. Une rencontre ou se mêle la fiction et leurs propres vies. David Lynch est aussi présent à ses côtés, dont la narration de l'évasion de sa tortue terrestre est savoureuse. Comme la scène chez le médecin interprété par Ed Begley Jr, un ami depuis les années 70 de cet homme. Un homme qui ne s'est jamais marié, n'a pas eu d'enfants et s'est construit une famille auprès des gens avec lesquels il a travaillé tout au long de sa carrière. Comme il le dira dans ce film : je suis seul, mais je ne me sens pas seul.


Le temps s'écoule lentement à ses côtés. Pourtant, on ne s'ennuie pas et comme Loretta (Yvonne Huff), on a envie de le prendre dans nos bras. L'homme est attachant, faussement rustre et le film est à son image. Harry Dean Stanton peut se reposer tranquillement, il a eu une vie riche et bien remplie.

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le 21 déc. 2017

Critique lue 253 fois

Laurent Doe

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