Mon titre devrait faire réagir, mais non, Lucky n'est pas un film politique. En fait Franklin Roosevelt est une tortue terrestre appartenant à un copain de bar de Lucky. Au début du film, on la voit prendre le large à quelques encablures de la propriété du domicile de son propriétaire. A quelques encablures, mais dans le désert, car l'action (je vous laisse imaginer la rapidité !) est située dans un patelin paumé en plein désert, quelque part dans l'Amérique profonde.
Lucky, c'est Harry Dean Stanton, 90 ans à peu de choses près, dans un rôle qui lui va comme un gant. Le film est un probable mélange de fiction et de réalité, permettant à Harry Dean Stanton de jouer sans se poser de question : il est le personnage tout simplement. Lucky n'est qu'un surnom, mais il lui va très bien. Il explique à un moment à quoi il le doit, dans son passé de marin de la US Navy. Pour le spectateurs ,il est surtout le chanceux qui garde une réelle autonomie à cet âge avancé. Bien sûr, il ne se déplace plus avec légèreté et souplesse, mais il fait encore quotidiennement des exercices physiques que bien des hommes nettement plus jeunes que lui négligent ou ne peuvent plus faire. Et puis, s'il passe une bonne partie de ses journées au bar où il retrouve les personnes qui y travaillent et le propriétaire de la tortue nommée Franklin Roosevelt, il ne fait pas que dormir le reste du temps. Il fait des mots croisés, regarde la télé et se promène un peu. Dans ce patelin où tout le monde connait tout le monde, il a même droit à une visite surprise très émouvante.
L'aspect émouvant du film ne vient pas que du fait que l'acteur est mort peu après la fin du tournage. Il vient de son attitude générale, celle d'un homme qui se sait proche de la mort mais qui, gardant sa lucidité, fait son possible pour reculer l'échéance. La raison principale, qu'il finit par avouer, c'est que, malgré l'avis rassurant de son médecin, qu'il a peur.
Sinon, le personnage rapelle énormément Travis, celui que Harry Dean Stanton interprétait dans Paris, Texas le film de Wim Wenders dans les années 80, comme je l'ai lu dans plusieurs critiques déjà publiées. il était temps de proposer un role de ce calibre à Harry Dean Stanton dont le cinéphiles devraient se souvenir, malgré une collection de seconds roles, à cause de sa silhouette, de sa dégaine et de ses rôles bien typés. Comme par hasard, il a fallu un acteur, John Carroll Lynch pour lui faire cette proposition. Précision, si le célèbre David Lynch apparait dans le film comme propriétaire de la tortue Franklin Roosevelt, il n'a aucun lien de parenté avec le réalisateur. Et je ne suis pas d'accord avec ce que j'ai lu dans certaines critiques qui disent que le film rappelle beaucoup le cinéma de Jim Jarmush, à part pour son rythme lent. Voyez les films de Jarmush au lieu de vous contenter de vos impression sur son tout dernier !
Il ne se passe donc pas grand-chose dans ce film qui se focalise sur le personnage de Lucky et son interprète. Mais l'ambiance générale, ses couleurs, la sensation d'espace et de luminosité qu'ils procurent, la réflexion face à l'approche de la mort donnent lieu à un bon moment de cinéma, qui réussit à donner le sourire malgré un sujet assez morbide.