"Lucy... Luuuucy c'est moooooi je sais..." Telle était ma première réaction quand j'ai découvert l'existence du nouveau film de Luc Besson. "Crève connard avec tes films de merde" était celle à la sortie de la salle. J'aurais tant à dire sur ce monsieur mais je risque de sombrer rapidement dans la vulgarité. Je pense que ses productions sont parmi les choses les plus infâmes vues sur les écrans depuis une quinzaine d'années à l'exception d'une toute petite poignée de films. Je n'avais pas encore eu une véritable occasion de détester le Besson réalisateur ayant vu ses films précédents depuis trop longtemps mais c'est désormais chose faite. Et quelque chose me dit qu'il vaudrait mieux que j'évite de les revoir car avec Lucy, Besson a frappé très fort dans l'art de la connerie abyssale.



C'est drôle car on pourrait considérer Lucy comme un condensé de ce qu'il ne faut pas faire. Et pour le coup, Besson le fait très bien. La catastrophe est à la hauteur de l'ambition du bonhomme: immense.

30 secondes. Il n'a fallu que 30 secondes pour Besson arrive déjà à me dégoûter avec deux clins d'oeils bien lourds envers deux de mes films préférés. Allez hop on case un primate hominidé pour faire référence à 2001 et on place des passages de foules accélérés pour montrer qu'on a bien vu Koyaanisqatsi. Bien Luc, l'originalité et la créativité tu connais? La référence peut très bien être utilisée mais quand tu en places plusieurs dans ton intro c'est qu'il y a quand même quelque chose qui cloche...

Besson a voulu faire son 2001. Le problème c'est que Besson n'est pas Kubrick. La précision du cadrage, l'harmonie son-image et les réflexions métaphysiques ce n'est pas pour Besson qui emploie une nouvelle fois toute la méthode Europacorp: le bourrinage sans saveur.

Le grand défaut de Lucy (parmi les quelques 13 568 défauts du film) est que ça ne tient jamais debout, le film est affolant de stupidité. Déjà l'idée de base comme quoi nous n'utilisons que 10% de nos capacités cérébrales est une légende urbaine totalement fausse. Comment tu veux façonner un récit cohérent à partir d'un postulat de départ complètement faux? Mais le public lobotomisé par la machine à fric de Besson ne le sait pas et va gober tout ce qu'il dit. De toute façon on s'en fout hein? Tout ce qu'on veut voir c'est Scarlett Johansson en débardeur moulant qui va buter du chinetoque.

Et c'est bien là que nous retrouvons la production Europacorp-type. Le bourrin avant tout. Il fallait bien sûr qu'on rajoute une histoire de trafic de drogue inintéressante avec des méchants chinois (enfin des coréens mais bon, pour le fan de Taxi 2 ça reste la même chose). Tout ce qui aurait pu être creusé scientifiquement ne l'est jamais mais bon quelque part tant mieux, surtout quand tu vois les âneries qui sont dites.

Mais le pire c'est que Besson y croit et que ça a l'air de marcher vu que certains sont admiratifs devant ça. Quelques énergumènes arrivent à y voir une réflexion métaphysique alors qu'il n'y en a même pas un embryon! C'est juste un film d'action Europacorp lambda qui cherche à se différencier par son sujet de base. Mais quand tu évites soigneusement toute réflexion ou questionnement épineux, ça ne reste qu'un produit de consommation basique, sans aucune envergure.



Besson n'arrive jamais à élever son sujet et ce n'est certainement pas sa mise en scène qui sauve l'ensemble. Il n'y a qu'à voir les 5 premières minutes et ce dialogue interminable entre le mec au chapeau et Johansson. Aucun rythme, des champs/contre-champs ennuyeux à mourir et cette scène qui s'éternise avec des dialogues bidons... Et le pire c'est que le film dure 1h30 et ne se repose uniquement que sur ce genre de séquences.

Johansson, parlons-en justement. J'adorais cette actrice à une époque, ce film réussit presque à me la faire détester. Comme quoi tourner pour Allen et Besson ce n'est pas la même chose. Il suffit de voir la séquence au début où elle est kidnappée par les coréens. J'ai rarement vu un jeu aussi catastrophique... Il faut la voir jouer la peur face aux "méchants"... C'était d'un grotesque, j'étais vraiment mal à l'aise de la voir se ridiculiser ainsi. Et vient Morgan Freeman, une des bouilles les plus sympathiques parmi les acteurs actuels. Mais le mec joue le même rôle depuis plus de 15 ans, il est une fois encore la transparence incarnée.

Mais le plus douloureux c’est quand même Choï Min-Sik. Le mec a envisagé d’arrêter sa carrière, il a joué dans Old Boy et I met The Devil ce qui n’est quand même pas rien. Et le voilà là, à faire le kéké pour Besson. Et que de clichés sur les asiatiques… De toute façon les non-blancs chez Besson sont soit cons, soit de la chair à canon ou soit les deux en même temps. C’est navrant de voir encore ça au 21ème siècle.

Besson ne changera jamais. C'est fou de voir à quel point il se plante malgré toute l'ambition du monde. Il veut parler des capacités cérébrales mais il confond l’intelligence avec le savoir, les sens avec les sentiments. C’en est prodigieusement ridicule. Et du coup tout semblant de cohérence s’effondre. Comment croire à cet univers ? Besson lui-même ne comprend rien à ce qu’il fait mais il trouve ça cool.



En fait je peux résumer mon impression sur Lucy en un simple "pourquoi?". Pourquoi elle arrive à changer la couleur de ses cheveux en un quart de seconde? Pourquoi est-ce qu'elle ne tue pas le méchant quand elle en a l'opportunité (elle devait pourtant être à 20% de capacités cérébrales utilisées soit deux fois plus que l'être humain lambda selon Besson)? Pourquoi elle arrive à s'infiltrer dans un téléphone portable (en fait comme dans Watch Dogs mais sans appareil)? Pourquoi les flics ne voient pas les asiatiques s'armer en pleine rue à 10 mètres d'eux? Pourquoi personne ne s'indigne de voir une blondasse descendre un simple chauffeur de taxi gratuitement? Pourquoi personne ne s'inquiète de voir la même blondasse débarquer dans un hôpital avec une arme à la main bien visible? Pourquoi (et surtout comment et où) a-t-elle chopé un tel arsenal?

En définitive on peut aussi résumer le film à ce "pourquoi?"-ci: Pourquoi est-ce que Luc Besson s'acharne à nous ouvrir le crâne à la scie-sauteuse pour y uriner gaiement dedans? A force de tenir son spectateur par la main pour lui expliquer son scénario de merde, Besson ne signe pas seulement là le navet de l'année. Il signe le film le plus irritant, le plus irrespectueux, le plus débile de l'année et certainement le plus gratiné de sa filmographie.

L’être humain n’utilise que 10% de ses capacités cérébrales. Lucy est à 100%. Je suis descendu à 1% à la fin de la séance, abruti par ce que je venais de voir mais aussi en colère face à un film aussi énervant. Après peut-être que le coup de la scie-sauteuse n'était pas étranger à cela. En tout cas, pour ma part, Lucy est un film plus qu'évitable. Il suffit de voir les 10 dernières minutes et de gloubi-boulga indigeste où on essaie de tout t'expliquer en enchaînant conneries sur conneries pour aboutir sur une issue moralisatrice à souhait. Mais je ne laisse pas berner par cet étron. Il ne faut pas se Lucy faire, ne Besson pas nos frocs!

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le 19 août 2014

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Moorhuhn

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