Le Avatar français du box office ?

Mise à jour de ma critique du 10/06/2017. Bien moins sévère mais avec la même pertinence et un regard neuf sur certains points


Valerian de Luc Besson s'approchant à grand pas au cinéma, je pense qu'il est temps de parler d'un film très intéressant d'un point de vue analyse critique. En effet en 2014 est sortie Lucy, son dernier film de science fiction soit 17 ans après le film le 5e élément (Valérian sortira pour les 20 ans). Ce film a eu des critiques très divergentes. Certains comme Variety, Le Journal du dimanche ou Le Parisien ont jugé positivement le film. D'autre comme Critikart , New York Times ou le Washington Post ont jugé le film plus durement. Les critiques Allociné sont modestes, Sens Critique sont négatives, Rotten Tomatoes le place à 66% et il a quand même eu un succès monstre au box office. Enfin , succès monstre. C'est quand même le film français qui a eu le plus de succès au box - office mondiale de tous les temps (5 millions d'entrées en France, ce n'est pas rien ). Moi par contre, j'étais un peu étranger au film à sa sortie car il ne m’intéressait pas (j'avais les Gardiens de la Galaxie comme film de science-fiction). Mais je l'ai vu récemment et au final, il s'agit d'un film problématique. En effet, ce film et je suis désolé de le dire est malgré ses qualités visibles une véritable catastrophe narrative. Et c'est un soucis car c'est Luc Besson lui-même qui a écrit le film. Il est donc grand temps d'analyser ce film qui avait tout pour être un grand film de science fiction mais qui s'est trompé sur certains points dans de grandes largeurs.



Réalisation ou démo-technique ?



C'est la question que je me suis posé. Mais avant tout parlons de Luc Besson réalisateur. Je sais qu'il est l'un des cinéastes les plus mal vus et controversés aujourd'hui, à cause de sa propension d'écrire et de produire des films vraiment pas terrible pour de la rentabilité facile. Je suis bien placé pour le savoir, j'en ai déjà critiqué 3 des ses films (Taxi 4, Banlieue 13 : Ultimatum et Colombiana). Même durant ses dernières années ses propres films ont eu une qualité déclinante (Coucou Malavita et Adèle Blanc-Sec et je ne veux pas parler de son escroquerie Arthur et la Vengeance de Maltazard). Cependant, je n'oublie pas qu'il est un réalisateur de renom dont j'ai apprécié les films (Léon que j'ai critiqué il n'y a pas longtemps, le 5e Elément, le Grand Bleu et même Jeanne d'Arc que je ne déteste pas sont autant de preuves de ses talents de cinéastes). Même sa société de production nous offre des films correctes de temps en temps comme Danny The Dog, Taken ou récemment Miss Sloane dont son manque de distributions aux Etats - Unis relève du crime. Du coup, je ne suis pas parti pour détester le film. Et la réalisation de Lucy est vraiment impressionnante. Les plans sont très bessoniens et l'image est d'une beauté vraiment sans pareil avec une bonne photographie et des effets spéciaux géniaux. Voilà c'est dit. Mon seul réel problème est le montage que je ne comprend pas, car il va du basique au maîtrisé en passant par l'inutile. Les plans symbolique du début avec les animaux cela passe , mais uniquement si on comprend cette symbolique. Chose qu'on ne comprend qu'après ! Mais surtout, il s'agit d'un parti pris qui aurait du être assumé tout le long. Chose que le film ne fait pas. On n'a plus du tout ce parti pris au bout d'un certain temps et le film bascule dans l'actionner à la Besson. Pourquoi pas j'ai envie de dire sauf que rapidement cela tombe dans le tout much exagéré voir inutile. Pire, je trouve même que cela cadre mal avec l'ambition vertigineuse qu'il tente d'instaurer. Mais alors pourquoi je parle de démo - technique ? A cause du futur film Valerian. J'ai trouvé pas mal de visuels de Lucy dans le trailer de Valerian sans pour autant que ce soit gratuit ou une simple inspiration. Mais bon ça c'est peut-être personnelle, mais c'est le cas. Maintenant on va parler du reste.



Lucy alpha et oméga



Lucy (Scarlett Johansson) est une étudiante qui se retrouve malencontreusement dotée de faculté exceptionnelle à cause d'une drogue nommée C4H qui lui permet d'augmenter ses capacités mentales (On y reviendra). C'est l'un des personnages les plus inconsistants et cons que je n'ai jamais vu de ma vie. Scarlett Johansson joue bien (en même temps c'est un rôle à la Black Widow, les personnages ambiguës, elle connait), mais je ne comprends pas son personnage. Quelle est sa principale caractéristique ? J'ai beau cherché je ne trouve pas.


Et puis, il faut savoir. C'est une personne déshumanisée ou une inhumaine dotée de sentiment ? Comment peut-on croire qu'elle soit devenue froide et inhumaine si elle pleure sur ce qu'elle va devenir ? Quels sont ses pouvoirs exactement ? Comment peut-elle tout connaître dès le départ au moment de sa chirurgie s'il faut un contact physique pour acquérir cette connaissance ? Comment son corps peut se déstructurer alors que les conditions ne sont pas défavorables aux cellules ? Et puis qu'est-ce que ça veut dire condition défavorable dans l'univers du film ? Si c'est dans les milieux hostiles, en quoi un avion peut être hostile pour la cellule. A cause des maladies ? De l'aspect trop propre ? Pourquoi as-t-elle besoin du flic pour se sentir humaine ?


Et c'est là qu'une infime partie de tout ce qui ne va pas avec le personnage. Mais je développerai après.


Quant aux autres personnages, ils sont réduits au rang de figurant, d'observateurs. Dans l'idée, pourquoi pas. Les personnages témoins et / ou points de vue sont classiques dans une fiction. Problème, ils n'ont pas d'impacts sur Lucy. Pas du tout. A la limite le professeur Samuel Norman (Morgan Freeman) est un personnage important en tant que théoricien et est pour moi largement suffisant en tant que témoin. Le problème est qu'il n'influe pas dans le cour des événements qui auraient très bien pu se faire sans lui. En effet, la majeur partie du film est qu'il n'a avancé que des théories qui se vérifient sous ses yeux et veut accompagner. On ne le voit pas se poser de questions sur ce que cette découverte peut engendrer ou non. Le flic Pierre Del Rio (Amr Waked ) ne sert à rien à part arrêter les méchants. Monsieur Jang (Choi Min-sik) est le chef des trafiquants qui aurait du se faire tuer dès le départ. Et les autres personnages ne servent à rien. Même pas Caroline (Analeigh Tipton) qui aurait très bien pu être un personnage de soutient ! Mais non, après une scène on en parle plus


Et c'est là l'autre problème du film. Il n'y a pas de véritables antagonistes. Une bonne histoire doit avoir un antagoniste, ou un élément qui peut aller dans le sens opposé de l'objectif de Lucy, ou au moins qui a une philosophie différente. Certains n'ont pas d'antagonistes visible (comme Buried) mais ont toujours un élément qui va à l'encontre du personnage principal. M Jang est un méchant mais pas un antagoniste. On pourrait croire qu'en vérité elle est son propre ennemi mais comme je l'ai expliqué précédemment, cela ne tient pas du tout car l'univers est trop bancal pour qu'on puisse croire qu'elle le soit. C'est dommage car cela pouvait se faire de manière très simple : Le personnage qui sniffe la drogue devant elle, un autre qui a de la drogue dans le ventre etc. Il y a énormément de possibilité d'antagonistes et ce film n'en choisit aucun. Ce qui fait que l'histoire n'est pas intéressante car Lucy est présentée dès le départ comme une surhumaine à qui rien ne lui résiste. Et c'est ce qu'on va parler



Chronique sur l'univers du récit et la réalité



Je ne vais pas parler de l'histoire car elle n'est pas géniale. Écrite par Luc Besson, fallait s'en douter. Elle raconte le périple de Lucy qui va je ne sais pas , à la rencontre de Samuel Norman afin de ... je ne sais pas pourquoi mais à la fin elle devient une "déesse". Mais avant tout ça pourquoi l'histoire n'est pas terrible


Déjà on va faire la distinction entre la réalité et la fiction. La réalité est l’ensemble des phénomènes considérés comme existant effectivement bref, c'est quelque chose de physique et de concret. La fiction est l’ensemble des phénomènes considérés comme existant plus souvent sur des faits imaginaires. Donc partant de là, on ne peut pas reprocher le film de mettre en place la théorie des 10 % du cerveau (chose à présent démentie) car c'est une fiction. Sauf qu'une fiction a ses limites; elle fixe des règles qui permettent qu'on puisse croire à l'univers dépeint. Dans la réalité, un garçon qui est mordu par une araignée radioactive ou génétiquement modifiée ne peut pas grimper aux murs; mais le film donne un ensemble de balises afin qu'on croit à cette donnée irréelle. Lucy lui aussi fixe les règles avec ce qui se passe de 10 à 20 % de capacités cérébrales, nous laissant le soin d'imaginer ce qui se passera après. L'ennui est que le film tord quand il veut ses propres règles afin de rajouter de la tension narrative, parce que l'héroïne est sensée être invincible au fur et à mesure du récit. Bref, le film a un concept génial mais qui va volontairement dans le mur pour être intéressant. Du coup, on ne peut pas prendre son univers au sérieux et la seule chose qui tient un minimum de consistance, est la partie actionner qui est une copie carbone de n'importe quel épisode de Taxi et qui n'aurait pas eu lieu si le méchant principal n'était pas mort. Quant aux images contemplatifs , non seulement elles ne servent pas à grand chose et c'est trop mal amené. Autant pour le professeur ça passe à peu près, mais pour elle pas vraiment. Quant à la fin où elle veut aller vers les 100%, plusieurs questions m'avaient trotter ? Dans quel but ? Pourquoi veut-elle aller à 100 % ? Réponse : Evoluer. Pousser l'évolution à ses limites sans aucunes raisons. Au départ, c'étaitDu coup on la voit être connectée partout afin d'évoluer, "remonter le temps" jusqu'à la Lucy (pré australopithecus afarensis. avec la référence à Chapelle Sixtine. Et au final elle devient une déesse. Ou elle a atteint un état de conscience supérieur


Cependant, je dois préciser une chose : je n'ai pas remis en cause ses capacités à influer sur son métabolisme vu que c'est l'univers de fiction. Donc, j'admets qu'elle puisse changer naturellement la couleur et longueur de ses cheveux. Je suis prêt à accepter le fait que tu as des pouvoirs télékinétiques. Je n'ai pas envie d'hurler à la mort quand tu as communiqué vers le professeur Norman via la télé, l'ordi, la tablette, le téléphone de manière aussi net avec un PC comme le mien. Mais tout ça ajouté sur le faite qu'au final était pour devenir un ordinateur tout noir , c'est beaucoup trop me demander . Le film fait ce qu'il veut de son univers qui n'a pas de sens. Et cela dès les 10 premières minutes. 10 min de cohérence pour un film 9 fois plus long. Il n'y a pas de quoi se vanter.



Mauvais film ou film très frustrant ?



Bref, ce film avait toutes les clefs en main pour être un super film de science-fiction. Et je peux comprendre que beaucoup ont apprécié le film car le film est visuellement beau et qu'au niveau des scènes d'actions et des thématiques auraient pu faire le job. Cependant si c'est une merveille visuelle , le film demeure une coquille avec un univers qui ne prend pas, des personnages qui sont de base intéressants, mais mal exploités pour Lucy ou pas du tout exploités pour le reste. Le film reste un test pour un film de S.F plus ambitieux (vous l'aurez deviné, il s'agit de Valérian). Il s'agit d'un genre de film que j'apprécie très moyennement car ils n'ont que comme ambition de jouer les défricheurs pour un autre film, surtout quand le scénario pas vraiment maîtrisé. Bien sûr certains films ont cette volonté là mais parfois offrent bien plus en terme de film. Ce film est l'exemple même que tous les ingrédients présents ne font pas forcément un bon film car il faut qu'un univers soit cohérent envers lui-même. Un Lucy 2 était envisagé, ce qui n'est pas étonnant vu le succès du film, même si la conclusion était plus que satisfaisante. Reste à savoir comment ce film se traduira.

Neo Cosmic

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4

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