Tebé or not tebé
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C'était pas gagné d'avance pour Besson, qui choisit de construire son film autour d'un pitch mettant en avant le cerveau et ses capacités (et donc par extension l'intelligence), ce qui est toujours un peu casse-gueule. Imposer un sujet central "cérébral" dans un film d'action, c'est presque déjà tendre le bâton pour se faire battre. Ajoutons à ça les super-pouvoirs qui échoient au personnage principal, et on a les ingrédients de base du film de super-héros standard, avec ses questionnements moraux, la place de l'être humain ou du monstre dans la société... et le risque que ça finisse en film de super-héros standard, c'est-à-dire en suite de séquences d'action impressionnantes mais au fond dénuées d'intérêt. Mais à la limite, l'action, ça peut être réjouissant - même quand ça gâte un intérêt supérieur.
Là où Lucy fait fort, c'est que le film ne choisit pas entre l'action débridée ou l'exploration de son scénario. Du coup, il échoue avec brio sur les deux points. L'histoire est un pathétique gloubiboulga qui consiste à piocher çà et là une ou deux idées classiques de la SF, à en faire n'importe quoi, à écrire n'importe quoi pour faire jointure, et à mixer le tout avec du cliché et de la facilité. A mesure que le film avance et que le pourcentage d'utilisation du cerveau de Lucy s'affiche fièrement à l'écran, on se demande comment il est possible ne serait-ce que d'oser un truc pareil. On a même vaguement le sentiment qu'il faut plutôt y voir un pourcentage d'abrutissement du spectateur (et pour le coup, si c'était là le véritable angle de lecture du film... ça confinerait au génie pur et simple ^^).
Bon, OK, c'est un film d'action, le scénario on s'en fiche ? On pourrait, mais non. On a embauché Morgan Freeman pour qu'il nous explique longuement des inepties scientifiques, on multiplie les séquences purement narratives, on se perd en pseudo catch-lines qui se veulent profondes... Quand on se fiche du scénario, on s'en sert pour cadrer l'action et on laisse celle-ci prendre le relais. Or, dans Lucy, l'action est du niveau de l’histoire : abyssale. Il n'y en a pas tant que ça, d'ailleurs, et les scènes sont d'un manque de créativité affligeant. La réa et la mise en scène font peine à voir, se contentent de repomper Matrix (en 2014, sérieusement ?), d'annihiler tout emballement, tout dynamisme, toute tension. C'est pauvre, on en bâillerait si on n'était pas trop occupé à soupirer. Si encore on avait eu droit à du fun, de l'humour, du second degré ! Mais même pas : le plus dramatique dans tout ça est que le film se prend sacrément au sérieux, s'applique soigneusement à détruire le potentiel de ses rares bonnes idées (mention spéciale à la scène "allô maman ?").
Au mieux ennuyeux tout du long, au pire franchement agaçant, la fin du film apporte tout de même un éclair de satisfaction : alors qu'on désespérait, une sorte de rupture se produit soudain, au moment où, probablement, Besson s'est dit "oh et puis merde, allons-y à fond !". Soudain, on franchit un palier dans le n'importe quoi. Dans un moment magique, le délire pseudo métaphysique prend des proportions insensées, téléportant Scarlett Johansson, la faisant voyager dans le temps, nous imposant un dinosaure en images de synthèse toutes droit issues du début des années 2000, s'embourbant dans une mélasse visuelle épileptique qui se veut certainement inspirée du Voyage vers Jupiter (peut-être pas le meilleur passage de 2001, m'enfin là c'est quand même presque insultant ^^). Il y a un tel manque de pudeur dans l'étalage décomplexé de ce fatras que... le tout prend une tournure follement réjouissante. Tout d'un coup on se prend à sourire et à se sentir heureux : le point nanar est finalement atteint, le médiocre est enfin transcendé par la folle conviction qu'il faut lâcher la bride de l'ubuesque.
Ca aura mis le temps, mais ces dernières minutes permettent au moins de sortir de la salle de bonne humeur :)
En nous offrant un blockbuster qui peine à se hisser au niveau des productions direct to DVD à 0.50€ (j'en connais un bon paquet qui rivalisent sans se forcer), Lucy est tout de même un sacré espoir pour tous ceux qui rêvent de faire du cinéma ou d'écrire des histoires : si un truc pareil peut se targuer d'un succès mondial, tout le monde à ses chances. Merci à Luc Besson ^^
Créée
le 18 août 2015
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