Six ans avant Buffalo Bill et les Indiens, Robert Altman signait M.A.S.H, la palme d'or de 1970 : un bijoux décapant d'humour, dans la même veine que son western burlesque.
M.A.S.H s'ouvre sur une superbe musique d'un certain Johnny Mandel, Suicide is painless : le suicide est sans douleur. La seule musique qu'on entendra de tout le film est une ouverture musicale qui annonce l'ironie de la guerre, l'ironie de l'entièreté d'un film, et surtout l'ironie d'une scène de suicide, mise en scène et assistée avec soin par les protagonistes du film comme un baptême : scène décapante, hallucinante, complètement barrée. La meilleure de tout le film.
Dans M.A.S.H, on retrouve l'humour poilant, désopilant, extravagant, tordant, sarcastique, complètement burlesque, barré, pharamineux de ce cher Altman. Un humour d'une extrême lucidité, intelligent, perspicace, qu'on peut retrouver chez Werner Herzog, intensément plus noir.
Ici dans M.A.S.H, au même titre que Buffalo Bill et les Indiens, tout est barré. Les personnages se fendent la gueule en permanence, échangent des blagues douteuses, papotent pendant qu'ils trifouillent les mains pleines de sang l'intérieur du corps d'un malheureux soldat. Se marrent pendant qu'ils diffusent dans tout le camp l'enregistrement d'un couple qui baise en direct, produisant alors l'hilarité générale et la honte du pauvre couple.
Robert Altman fait de son film une fête foraine dingue d'humour en plein milieu d'une guerre de Corée qu'on ne voit pas, seulement qu'à travers les corps mutilés entre les mains des chirurgiens, la profusion de sang qui contraste avec les blouses blanches des uns et des autres et de Donald Sutherland, génialissime.
Alors si l'on devait comparer, M.A.S.H est l'exact contraire d'un film comme Voyage au bout de l'enfer, filmant la guerre dans ce qu'elle a de plus violent, psychologiquement et dans toute sa réelle horreur. Une boucherie de sang et de tripes. Un homme qui n'en peut plus. La violence de la guerre dans la mémoire, dans l'incapacité d'oublier. Alors, c'est tout ce qu'il y a de pire.
Ici, rien de tel. M.A.S.H désacralise l'horreur d'une guerre qui reste en arrière plan, tournée en dérision par les fourberies des différents protagonistes, passant la plupart de leur temps à faire des blagues, à provoquer des situations lourdes et douteuses sur les rares femmes du camp : toute la petite troupe se réunie devant un rideau, cachant celle qu'on appelle "Lèvres en feu", qui prend tranquillement sa douche. Et pouf, on tire le rideau d'en haut, comme un spectacle, et tout le monde se marre. Penchée à terre, la victime cache son corps nu en poussant des cris.
Exactement comme dans Buffalo Bill est les Indiens, tout est burlesque, mis en vrac, sens dessus dessous. Un capharnaüm de mots, de rires, de situations incongrues où tout le monde parle dans tous les sens, se coupent la parole. De joyeux enfants dans un parc d’attraction.
Mais la mise en scène de Robert Altman est sidérante. Aux images qui passent folles de beauté, il jongle de personnage en personnage, attrapant un rire par ci par là.
Et il y a dans M.A.S.H cette scène interminable d'un match de football américain entre chirurgiens, qui fait des tours et des détours, s'empêtrant dans sa propre loufoquerie, rappelant une des scènes de Buffalo Bill et les Indiens : un spectacle de cowboys et d'indiens, infiniment pathétique et longuet. Les deux scènes se moquent d'elles même, de leur propre absurdité. Robert Altman produit alors de ces mises en scènes des manières de faire qui n'ont pas d'égales.
Au final, la mise en abîme d'un générique de fin provenant d'un haut-parleur, s'adressant aux protagonistes du film, annonçant le film vu, M.A.S.H, avec Donald Sutherland, Robert Duval, est des plus ingénieux, des plus réussis, des plus loufoques.
Ainsi, moi je dis, chapeau Robert.
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