J'ai vu M le Maudit en espérant qu'il allait devenir mon film préféré de Fritz Lang et je dois avouer que j'ai été quelque peu déçu. Je ne suis pas pleinement entré dans ce film et sans doute est-ce la raison pour laquelle j'ai trouvé le temps un peu long devant, mais enfin, tant pis pour moi. M le Maudit restera M le Maudit, bien que je lui préfère La femme au portrait ou Règlement de comptes.
M est un film capital ; sur un plan formel évidemment, mais n'ayant pas apprécié l'oeuvre à sa juste valeur, je ne peux m'exprimer sur ce point. C'est aussi et peut-être avant tout une révolution morale. Il est possible qu'il y ait eu auparavant d'autres films qui ont tenté un tel renversement des valeurs établies, mais aucun n'a marqué le cinéma comme le film de Lang.
Le personnage principal de son film et celui qui lui donne son nom est probablement l'un des êtres qui, sur le papier, semble le plus inhumain, le plus infâme de tous, et il en fait un véritable martyr. Face à la foule endeuillée, M est la véritable victime. Parce qu'il a tout le monde contre lui, le cinéaste ose se mettre de son côté, et c'est un coup de génie. Qui aujourd'hui oserait se scandaliser de sa position ? Et même plus encore, il semble impossible de refaire M le Maudit et de prendre le parti du peuple. Alors que c'est lui la présumée victime ! Depuis 1931, on n'a tout simplement plus le droit de prendre le parti du dominant et de condamner le dominé, et Lang fait de l'assassin le dominé - par ses pulsions, par la foule -, donc l'intouchable. Arriver à imposer un point de vue si radical et à le rendre incontestable sur le plan moral est tout bonnement ahurissant.
Il y a aussi cette manière de "partager le malheur" en quelque sorte, de permettre à tout le monde d'être malheureux bien qu'il semble mesquin, voire indécent, de se considérer comme tel. Personne n'a le monopole du malheur, même celui qui a perdu sa fille, voilà ce que dit ce film, et ce qui apparaît à sa vision comme la plus belle pensée morale jamais portée par le cinéma.