Oreilles énormes qui prennent le vent comme les voiles des bateaux qui ne passe pas sur l'eau calme qui borde ce bout de plage face à la Manche, peaux en relief bosselées en accord avec les dunes gondolées sous le ciel gris de Calais, cheveux gras noueux couleur d'algues accrochées sur les rochers où Ma Loute, son père et ses frères ramassent les moules entres les insultes et les cris, marins terrestres qui ne prennent jamais la mer mais qui font traverser la vase aux touristes en les prenant dans leurs bras.


Un bossu qui se déplace en gesticulant dans tout les sens une grimace permanente déformant les trais de son visage affaissé dans une moue constante, une fille garçon ou alors peut-être bien un garçon fille, un cousin fou à la démarche brinquebalante qui ne dit que des choses improbable à des moments encore plus improbables que les choses improbables qu'il raconte, un policier rond comme un gros tas de linge sale qui couine quand il marche, qui descend les dunes en roulant comme un tonneau de bière triple et qui sort de petits bouts de philosophie banal de sa voie haut-perchée qui flotte dans les airs pendants quelques secondes comme une odeur de frite vol-au-vent bien grasses.


Des pauvres qui tirent la gueule pendant qu'ils mangent des bouts d'oreilles et d’orteils de touristes qu'ils considèrent comme de la viande, assis dans la boue pendant que le sang leur coule sur le menton et qui parlent d'un ton plus gras qu'une couenne de jambon recouverte de beurre pur sel et des bourgeois consanguins, leurs cousin-beau-frères, leurs cousines-femmes et leur pères-grand-pères, parce que la consanguinité et bien c'est le capitalisme, qui s'extasient devant les fleurs, et devant le ciel gris, et devant le sable blanc, et devant un pécheur sur sa barque, et devant un bout de viande, et devant un accent dont il se moque en étirant leurs mots pour les amener tellement haut qu'ils s'en vont se perdre loin dans le ciel au milieu des mouettes.


Un silence inexistant, un bruit omniprésent, des phrases interminables, des discussions labyrinthes, des conversations à tiroir commode henry 2, des cris qui résonnent, des piaillements qui s'envolent, des gémissements aller-retour avec escale prolongées et vol retardé, des disputes à rallonges, des mutismes bruyants, des regards hurlements violents de gorilles enragés à qui l'on vient de voler ses bananes pour les lui étaler sur ses nasaux fumant de haine, des objets qui cassent, des corps qui tombent, des démarches qui grincent et des calmes clameurs d'une foule révoltée avec lancée de gaz lacrymogène, charge de CRS et tir de flash-balls dans les côtes.


Bienvenue au royaume des difformités, au cirque de l'illogisme où les stéréotypes sont abattus les uns après les autres sous les rafales des rires en les poussant à l'extrême, en les développant jusqu'à ce qu’ils révèlent leur aberrante absurdité pendant qu'un capitaine de police flotte dans le ciel au dessus de la plage pendant que tout ce beau monde lui cours après pour rattraper la ficelle par laquelle ils le trimbalaient partout comme un ballon de baudruche.


Rideau noir sur rires jaunes.


Au revoir douloureux après exaspération enjouée.


Ma Loute pénètre la comédie français pour la laissé tout tremblante d'extase devant les regards ahuris d'une salle amusée.

Clode
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le 15 mai 2016

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