Critique de Ma Loute

Le burlesque est un art compliqué ; Ma Loute n’en a pas évité les écueils. :(

Je suis embêté, gêné que ce film m’ait à ce point déplu, parce qu’il ne manquait pas grand-chose pour en faire une belle oeuvre burlesque. Alors, la réalisation est certes maitrisée ; et décors, paysages, costumes, composent impeccablement un univers splendide de singularité, chargé en curiosités, en non-sens habiles. Tout au long de l’histoire, on sent l’oscillation entre la plus frappante maladresse et la plus fine technicité, ce décalage entre le fond qui pourrait servir de nourriture aux cochons, et la forme que l’on pourrait sertir de richesses ; ces personnages voulus insupportables, inexcusables, insondables, et ces environnements rendus à leur beauté ; le résultat en est éblouissant. Mais il faut beaucoup cligner des yeux pour retrouver la vue dans ce film, parce que l’éblouissement, s’il est éclat quelquefois, sombre souvent dans la gêne.

C’est sans nul doute le jeu des deux acteurs phares qui ôte tout son goût au film ; j’ai comme l’intuition que Fabrice Luchini et Juliette Binoche n’interprètent pas sur la bonne note, sur le bon ton ; et ce qui devait paraître grossier, caricatural, burlesque, finalement sonne faux, tombe à côté, et brise la plupart des effets dans l’oeuf. Ce que je reproche au jeu des acteurs, ce n’est pas l’excès, l’outrance qui caractérise tous les personnages, et par lequel le film tient sa personnalité, son essence ; ce que je lui reproche, c’est cet excès, l’excès dont les acteurs font preuve. Et à bien y réfléchir, je ne peux m’empêcher de penser que tout le jeu des personnages issus de la petite bourgeoisie du film a lieu, soit une note trop haut, soit une note trop bas ; et il en naît cette impression qu’ils en « font trop » comme on dirait d’un chanteur qu’il chante trop fort, alors qu’il chante trop faux. La maison bourgeoise produit un capharnaüm absolument insupportable à mes oreilles de spectateur ; et que l’on n'aille pas dans son sens est quelque chose d’honorable, à moins qu’on le serve avec maladresse ou qu’on lui serve quelque chose de mauvais goût.

Le fait que l’outrance soit visée ne signifie pas encore qu’elle est maitrisée. Il a manqué, sur l’interprétation, de finesse pour trouver la note juste ; j’en suis déçu parce qu’il s’agit d’un détail qui prend de l’ampleur ; et pour continuer sur la métaphore musicale, la note qui tombe à côté fait toujours plus de bruit - trop de bruit - que celle qui tombe là où elle visait.

J’ajouterai cependant que certains acteurs se sont glissés dans la peau de leur personnage avec une justesse mieux trouvée ; je pense à la petite famille de Ma Loute, mais aussi et surtout aux deux policiers, Machin et Malfoy, probablement les personnages les plus drôles, caricaturaux et étonnants à la fois - si, d’ailleurs, tous les personnages sont d’excellentes caricatures, peu d’entre eux parviennent réellement à étonner.

Bref, il y avait de bonnes idées, une jolie partition, un chef d’orchestre d’expérience ; malheureusement, quelques instruments désaccordés ont eu raison de la musique.

Je regrette cela. :(