Voilà un film extrême sans être pour autant excessif. Une brochette d'acteurs de talent pour un jeu volontairement théâtralisé. On aime ou on aime pas mais force est de constater que l'oeuvre est de qualité.
"Ma mère", inspiré du roman posthume de Georges Bataille, raconte l'éducation sentimentale d'un adolescent de 17 ans, Pierre (Louis Garrel, vu dans Saint-Laurent), par une mère sensuelle, libidineuse et amorale (Isabelle Huppert).
Animés tous deux par un amour mutuel sincère mais dévastateur, l'une va entraîner son fils dans les tumultes houleux de la dépravation tandis que l'autre la suivra pour mieux la satisfaire.
Cet attachement se traduit tout au long du film non seulement par les regards et les gestes tendancieux mais aussi par les leitmotivs : "ma mère" ; "mon fils" lourds de sens.
Le complexe œdipien est sous-jacent à l'histoire et rapidement conclu par le décès du père. La mère se montre alors telle qu'elle est véritablement, infidèle et pécheresse, aux yeux d'un enfant éduqué religieusement par ses grands-parents mais prêt à tout accepter. Celui-ci veut prendre immédiatement la place de son père, symbolisé par la scène du bureau où il "marque" à proprement parlé "son territoire".
Commence alors une lutte douloureuse pour l'adolescent, déchiré entre des courants violents :
- entre l'homme et l'enfant, joué si bien par Louis Garrel lorsqu'il court sous la pluie ou quand il couche avec l'amie de sa mère et dit en rigolant : "Je suis ton cheval ?" (elle ne rit pas),
- entre le bien et le mal lorsqu'il discute après l'amour avec Emma de Caunes : "- Arrête, c'est sale !! -Touche, Je dégouline ! - Tais-toi s'il te plait... "
Plus tard, elle lui répondra : "Il n'y a pas de plaisirs coupables..."
C'est là tout le problème, au-delà des rapports sado-masochistes (qui sont tout aussi néfastes pour le personnage d'Emma), le désir de la mère est un plaisir coupable que Pierre tente de fuir à travers la religion et que fuit aussi physiquement la mère.
Mais dès l'instant où elle réapparaît, rattrapée par la passion et le manque, la mise à mort est inévitable. Elle était d'ailleurs déjà amorcée par la citation de l'homme près de la piscine : "Il a ramené un couteau de boucher qu'il aiguisait sur un fusil ; ça m’excitait vachement.(...) Il m'a saigné là, au-dessus du nombril..."
Christel_No
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le 10 mars 2015

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Christel No

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