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Partir réticent pour regarder un film n'est pas, manifestement, une condition pour ne pas apprécier ce-dernier.
Ma Nuit Chez Maud questionne après une crise culturelle française (mai 1968) les principes éthiques qui la composent : que reste-t-il de l'ethique catholique, dans une société ou le libéralisme devient un modèle philosophique, et économique ? Faut-il continuer à se "légiférer sois-même" ou bien, crier haro sur toute éthique ? Se joue, entre ces deux intérrogation, la forme idéale à laquelle aspire la société française, et, partant, il en va d'un nouveau modèle culturel. Ceci dit, outre l'opposition quelque peu manichenne entre un modèle catholique et un autre libértaire, c'est surtout l'homme en tant qu'être libre qui est questionné ici.
Alors qu'il revient de l'étranger et s'installe à Clermont-Ferrand, notre héros fait un choix crucial : j'épouserai cette femme. Fermement catholique, et tenant à ses principes, il s'extirpe joliment de chez Maud, l'amante d'un de son meilleur ami, qu'il aurait largement pu, par "désoeuvrement", embrassé.
Homme austère, ayant foi en ses principes, il n'accorde de rigorisme qu'envers lui-même, et rejette toute forme de système religieux, s'il va à l'Eglise, c'est pour lui-même; s'il a des principes c'est pour lui-même; et s'il s'interdit de coucher avec Maud, c'est par rapport à son amour propre : ne jamais briser une promesse fait à soi-même.
Alors que Maud est l'incarnation de la tentation, et surtout du modèle de libre pensée à la mode après la crise culturelle de mai 1968, elle apparaît comme une femme malheureuse, dans le doute et dépourvu d'idéal.
Deux modèles humanistes s'affronte, le modèle catholique (l'homme doit se fixer des principes moraux) et l'athéisme libertaire (refus des principes, de l'autorité).
En outre, la tramedu film tourne autour d'une réfléxion sur les dogmes religieux : l'ascène janséniste est critiquée, pour atteindre le Salut il faut avant tout se connaître sois même, s'évaluer, pour accéder au bonheur. On revient à ce gnothi too seon présent sur le temple d'Apollon, comme un refrain humaniste.
In fine, le danger ne réside pas en l'athéisme, mais en l'absence d'autonomie. D'être privé de liberté et astreint à ses désirs, comme Maud le déclare : faire l'amour par désoeuvrement.
Ce qui est mis en avant dans ce films, n'est en rien manichéen, le catholique est bon, l'athée est mauvais, mais bel et bien la supériorité du modèle normatif individuel (l'autonomie) sur le libertaire.
Enfin, c'est une éthique, reposant sur le concept philosophique pacalien du Pari (distinction entre chance et éspérance mathématique): en partant du postulat qu'on a 10% de chance d'être heureux, et 90% de chance d'être malheureux, il faut pourtant parier sur la première hypothèse, car l'éspérance infinie dans le bonheur (chacun espère un jour être heureux) permet l'expansion de l'homme vers un idéal, alors que l'inverse (parier sur l'hypothèse qu'il sera malheureux) le pousse vers sa propre déchéance.
Parier en l'existence de Dieu, (ou d'une force tout autre, mais laquelle? La Fin de l'histoire peut-être, comme les marxistes) c'est avoir foi en quelque chose qui nous pousse à nou dépasser, à dépasser sa "condition humaine", condition misérable d'après l'éthique pascalienne.