En guise de première découverte du cinéma de Justin Kurzel, Macbeth m’intriguait : cette nouvelle adaptation de la célèbre pièce de William Shakespeare, décidément prolifique sur grand écran, semblait disposer de quelques solides arguments, à commencer par son casting luxueux et une réalisation aux antipodes de l’actioner-médiéval hollywoodien.


Et l’on ne s’y sera pas trompé, Macbeth dénotant comme impressionnant dans la forme : monochromes multiples, dégradés picturaux, le film est une longue fresque contemplative faisant du matériel originel une véritable claque graphique. Rehaussé d’une bande-originale marquante du frangin Jed Kurzel, le récit s’auréole qui plus est de la beauté sans borne des paysages d’Écosse et d'Angleterre, parfaitement sublimés par la photographie somptueuse d’Adam Arkapaw.


La forme est donc généreuse, audacieuse et profonde : elle témoigne d’une véritable démarche d’auteur. Mais elle est aussi à sa manière un porte-parole, elle narre sans mot dire en imprégnant la rétine de ses tableaux iconiques : en adaptant Macbeth de la sorte, Kurzel démontre d’une vision aussi bien respectueuse que personnelle, tant la puissance de ses images témoigne de l’innommable drame à l’œuvre, support tragique d’une ambiance dévastatrice.


C’est pourquoi je ne comprends pas l’intérêt de ses dialogues, le film collant en effet au plus près de la plume de Shakespeare : il en résulte un amoncellement de déclamations singulièrement, comme intrinsèquement, théâtrales. L’emphase s’avère ainsi être partie-intégrante de l’atmosphère désincarnée dont se drape Macbeth, à ceci près que l’effet est rapidement des plus pompeux : car le fait est que par-delà un ton hautement alambiqué, le long-métrage aurait gagné à davantage garder les pieds sur terre afin de nuancer son empreinte formelle - contemplative comme évoqué.


Au contraire d’un Valhalla Rising, dont il partage bien des traits visuels et l'onirisme, qui faisait du silence une entité forte, Macbeth opère donc une bascule sans garde-fous à mesure que la folie ne gagne son personnage éponyme : ses monologues déments pourront en témoigner. À ceci près que la chose sera commune à l’ensemble d’une galerie heureusement magnifique, car l’on aura notre comptant de citations en grande pompe. L’exécution est d’autant plus regrettable qu’elle parasite notre perception du récit, dont les enjeux nous apparaissent quelque peu désuets : en meublant de la sorte, la rareté de l’action et ce goût prononcé pour les plans fixes noie le film dans un faux-rythme claudiquant.


Quelques faux-pas entachent donc l’expérience, Macbeth échouant à faire de la folie de son rôle-titre un ressort vraiment surprenant ; la chose est d’autant plus vrai que cette mégalomanie semble gagner tout un chacun, ou tout du moins que chacun serait enclin à l’accepter tacitement. Certains traits d'intrigue nous laisse aussi dubitatifs, tel l’usage accessoire des Sœurs du Destin, au même titre que le sort rapidement expédié de Banquo, le futur obscur de son rejeton ou encore le trépas soudain de Lady Macbeth.


Quel dommage en somme, Michael Fassbender crevant l’écran d’un charisme terrible, tandis que sa partenaire Marion Cotillard se rappelle à notre bon souvenir d’une bien belle manière : Macbeth nous laisse donc un goût amer en bouche, la puissance infinie de son imagerie grandiose se trouvant prisonnière d’un carcan narratif désappointant.

NiERONiMO
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Ce que cachait encore mon disque dur pour 2017

Créée

le 13 avr. 2019

Critique lue 148 fois

1 j'aime

NiERONiMO

Écrit par

Critique lue 148 fois

1

D'autres avis sur Macbeth

Macbeth
Velvetman
7

Valhalla rising

L’odeur putride de la mort envahit Macbeth dès sa première séquence. Mort à qui on couvre les yeux sous les ténèbres d’une Ecosse vide de cœur, à l’horizon de ces longues plaines neigeuses. Justin...

le 19 nov. 2015

68 j'aime

7

Macbeth
Gand-Alf
8

Maudite soit cette langue qui murmure à mon oreille.

C'est peu de dire que cette nouvelle adaptation de la célèbre pièce de William Shakespeare, signée par Justin Kurzel, cinéaste remarqué grâce au tétanisant Snowtown, me donnait envie. Casting...

le 19 nov. 2015

49 j'aime

15

Macbeth
-Icarus-
9

La folie palpable

Difficile exercice (si on peut appeler ma critique comme ça...) d'aborder le deuxième long-métrage de Justin Kurzel après son troublant et austère Crimes de Snowtown. Car en plus de ne pas être un...

le 19 nov. 2015

43 j'aime

4

Du même critique

The Big Lebowski
NiERONiMO
5

Ce n'est clairement pas le chef d'oeuvre annoncé...

Voilà un film qui m’aura longuement tenté, pour finalement me laisser perplexe au possible ; beaucoup le décrivent comme cultissime, et je pense que l’on peut leur donner raison. Reste que je ne...

le 16 déc. 2014

33 j'aime

Le Visiteur du futur
NiERONiMO
7

Passé et futur toujours en lice

Un peu comme Kaamelott avant lui, le portage du Visiteur du futur sur grand écran se frottait à l’éternel challenge des aficionados pleins d’attente : et, de l’autre côté de l’échiquier, les...

le 22 août 2022

29 j'aime

Snatch - Tu braques ou tu raques
NiERONiMO
9

Jubilatoire...

Titre référence de Guy Ritchie, qui signa là un film culte, Snatch est un thriller au ton profondément humoristique ; le mélange d’humour noir à un scénario malin et bien mené convainc grandement,...

le 15 déc. 2014

18 j'aime

3