On ne compte plus le nombre d'adaptations cinématographiques des œuvres de Shakespeare qui ont vues le jour au fil des ans. A chaque époque plusieurs réalisateurs se sont succédé pour apporter leurs propres visions de ses écrits avec plus ou moins de succès. Et c'est une tendance qui ne semble pas prête de s'arrêter et c'est Justin Kurzel qui aujourd'hui apporte sa pierre à l'édifice. Mais y a-t-il encore une approche intéressante et originale à avoir sur les pièces de Shakespeare ? C'est ce qu'a voulu démontrer Kurzel et il a pu profiter de la sélection officielle au dernier Festival de Cannes pour faire valoir sa vision même si elle est loin d'avoir fait l'unanimité malgré des retours globalement positifs.


En ce qui concerne l'intrigue, il n'y aura rien à redire, l'histoire est probablement connue de tous et ici elle reste dans sa globalité sur les traces de la pièce de Shakespeare. C'est l'angle d'approche choisi par le scénario qui se ferra plus intéressant. Se concentrant plus sur l'aspect mystique de l'oeuvre, il va créer une étude fiévreuse sur la violence et ses conséquences, en faisant de Macbeth un homme traumatisé par les batailles perdant peu à peu la raison. Ici il est moins question d'avidité et de noirceur humaine même si l'on retrouve ça dans une certaine mesure avec Lady Macbeth, son intrigue étant plus proche de l'oeuvre originale, mais il est question de la perte des repères et de la raison, cette folie va au delà de l'homme même si elle s'inscrit ici dans leurs natures la plus profonde. Mais en embrassant totalement ces ambitions occultes, le film en néglige son facteur humain, il s'intéressent au microcosme de la violence et de ses ramifications mais en contrepartie offre un récit désincarné et qui n'a que peu à dire. Il n'y a au final que peu de développements et de psychologies, on reste en surface et ce que cette histoire gagne en brutalité, elle le perd en intelligence.
Tout ici n'est là que pour servir la mise en scène. On est dans une oeuvre picturale et rien de plus nous offrant de magnifiques tableaux mais souvent un peu vide. Néanmoins l'ensemble se montre hypnotique et assez fascinant malgré de gros problèmes de rythmes, faute à un montage trop lent offrant un ventre mou qui parait parfois interminable. Il compense cela par une photographie de toute beauté de la part de Adam Arkapaw. Il arrive à cristallisé la fureur brute et sourde de cette histoire, créant une atmosphère étouffante, presque palpable. Offrant souvent des visions somptueuses notamment durant le premier et dernier tiers du film, se rapprochant de ce que 'on a déjà pu voir dans le Valhalla Rising de Nicolas Winding Refn. Le score musical n'est aussi pas en reste, Jed Kurzel offrant des partions écossaises sublimes et enivrantes se montrant souvent épiques. Par contre la mise en scène de Justin Kurzel, ne sera pas parfaite et tombe souvent dans l'esbroufe. Une certaine prétention se dégage de l'ensemble, il aime se regarder filmer et ça se voit notamment quand il tombe dans des ralentis totalement gratuits et se place en poseur de manière tapageuse. C'est beau, le constat est indéniable mais ça manque énormément de retenue, avoir un rendu plus humble n'aurait pas été un mal à certains moments. Il faut quand même reconnaître que l'ensemble est incroyablement bien tenu et abouti et le cinéaste a assurément du talent à revendre.
Surtout que le film est interprété par un casting magistral, chaque acteurs offrent des performances puissantes et incarnées accentuant l'aspect fiévreux de l'oeuvre. Michael Fassbender est impérial souvent cabotin et extravagant mais totalement dans le ton de son rôle se réappropriant son personnage avec maestria. Il forme avec Marion Cotillard un couple convaincant et elle arrive à retransmettre à merveille les différentes facettes de son personnage, qui est probablement le plus complexe du film. Elle est ici tout simplement parfaite. Mais ici la véritable surprise viendra de Sean Harris, qui brille par sa justesse et son intensité. Acteur souvent habitué aux seconds rôles ou à incarner des méchants, il est ici admirable et prouve que parfois les seconds couteaux peuvent être plus impressionnants que les acteurs principaux.


En conclusion Macbeth est avant tout une expérience sensorielle et esthétique plus qu'une oeuvre intellectuelle. C'est une chose qui peut déstabiliser surtout que le film se complait parfois dans l’exposition de ses tableaux superbes mais vide. On est donc face à un rendu tout aussi hypnotique et fascinant que désincarné et un peu chiant. Car le film est long, parfois trop lent et pour retranscrire un trip de fureur et de violence il aurait gagné à être plus concis. Néanmoins on est face à du bon cinéma, la mise en scène malgré sa prétention est techniquement irréprochable, aboutie et maîtrisée tandis qu'elle est accompagnée d'un casting parfait. On passe donc un moment atypique, qui mérite d'être vécu une fois et qui se révèle, malgré ses limites, assez marquant.

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le 26 nov. 2015

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Flaw 70

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