Oubliez les films de 1979, 1981 et même le médiocre Mad Max de 1985 ! Fini le côté artisanal et "low budget" des deux premiers opus... ce qui fit ou fait leur charme et qui est peut-être leur limite. Mais l'ambiance, le montage parfait des cascades et le charisme de Mel Gibson suffisaient à marquer pour longtemps le spectateur.
En 2014, George Miller se voit offrir un pont d'or pour faire renaître de ses cendres une figure culte du cinéma de genre (les films d'anticipation dit dystopiques) : MAX le flic solitaire par la force des circonstances, miroir brisé d'une société où la survie est le seul mot d'ordre. L'eau et l'essence sont à la source de tous les conflits, rivalités et meurtres. Dans cet opus même le sang et le lait maternel sont des biens précieux. Des liquides dans un monde aride où seuls des corbeaux semblent avoir survécu.
Miller a donc les moyens ici de ses ambitions graphiques, esthétiques, pyrotechniques. La force du film - même si tout est très linéaire - c'est encore comme il y a plus de 30 ans - l'authenticité des courses poursuites (il n'y a aucun véhicule de synthèse), la folie nihiliste des situations (sublime scène de la tempête de sable).
Miller suggère plus qu'il n'explique le pourquoi du comportement de ses personnages: Charlize Theron a une présence qui explose à l'écran avec trois lignes de dialogue: aidée par la photo du film et son look post-punk cette "reine des sables" est à la recherche de son passé. Tom Hardy en Max n'est pas Gibson mais possède assez de talent pour camper à sa façon "le guerrier de la route". De toute façon, avant tout physique, son rôle demande quelque subtilité de jeu pour dire par les yeux ou les gestes ce qu'il y a dans la tête d'un gars qui au départ n'a aucun espoir. Lui, fuit son passé.
A défaut d'être un film marquant dans l'histoire du cinéma (difficile de faire en 2015 dans le cinéma australien indépendant qui puise son originalité dans son manque de moyens - comme en 1979), ce MAD MAX Fury Road digitalisé - mais pas trop - garde son grain de folie - par exemple l'assaut du camion de Max et Furiosa par des acrobates haut perchés - et donne aux personnages féminins une importance rarement présente au cinéma, même aujourd'hui (femmes-enfant, femmes-mère, grands-mères guerrières, femmes fortes quoi qu'il en soit). Le film pourrait s'intituler MAD FURIOSA qu'on ne le prendrait pas mal.
Visuellement époustouflante, cette version de l'ère informatique transporte et distrait sans temps morts le spectateur. Bien sûr il faut connaître les règles de cette série "déjantée" des Max pour apprécier la fureur et la fausse linéarité ou vacuité de l'histoire: partir et revenir à la source pour se reconstruire.
Le film en V.O. est explosif, immersif et la musique sublime les images: presque chaque plan est un tableau de maître et un régal pour les yeux: parfois on dirait du William Turner dans cette utilisation des tons ocres, orangés, bruns, jaunes. Quand à l'aspect des personnages ou des véhicules, il n'y a pas de limites semble t-il: plus c'est fou ou outré mieux c'est, et le pire est que cela fonctionne dans la fantasmagorie de papa Miller.
Esthétisant mais pas sans âme, ce blockbuster de grand studio est aussi à sa façon un film d'auteur. George Miller est amoureux de son projet, il aime son "enfant" et cela se voit à l'écran.