"Mon nom est Max." C'est par cette phrase que George Miller signe le retour d'une légende de cinéma, la sienne, créée en 1979, ouvrant par ailleurs les portes de la renommée à Mel Gibson. 35 ans plus tard, l'iconique hors-la-loi revient, plus torturé que jamais, fuyant à la fois le passé et le présent; l'un à cause d'une culpabilité morale et sentimentale, l'autre, par perdition et faiblesse face à la Désolation. C'est bien le même loup solitaire qu'on retrouve ici, sauf qu'il a troqué son interprète: trop vieux, Mel Gibson, place à Tom Hardy, comédien britannique en puissance. Il a donc la charge, dans ce reboot furieux, de présenter un nouveau personnage. En effet, Max est définitivement muet, tout passe par le regard brûlant du comédien, ici impeccable, et qui s'efface volontiers pour laisser le volant à son compagnon de route, l'Imperator Furiosa, femme engagée, elle aussi redevable envers les autres, jouée par une Charlize Theron chauve et des plus charismatique. Place aux femmes dans ce nouvel opus, avec un scénario transparent, qui met en scène ladite Furiosa, prenant la fuite avec un convoi de "pondeuses" afin de les émanciper de ce monde régressif et anxiogène. Le prétexte est facile pour lancer à toute allure la course-poursuite de deux heures, que le réalisateur a concoctée avec une passion et une mégalomanie indomptables. Si ça commence pas dès le début, c'est pour replacer les choses à leurs places: introduction des War Boy, du nouveau dictateur Immortan Joe, de sa pseudo-société et de son fonctionnement, de la condition humaine globale etc... Plein de petits détails qui, ajoutés, donnent une dystopie effrayante, apocalyptique, et dont les jeux écologiques (plus d'essence, plus d'eau, plus d'herbe, le désert à perte de vue) renforcent un réalisme assez plaisant. Après ce prologue, donc, après avoir découvert cette soumission totale devant un monstre aux belles promesses, la micro-rébellion de son général de guerre, l’incarcération de notre anti-héros favori et son supplice d’être accroché à un bolide de guerre, le road-trip peut commencer. Une course déjantée, en proie à la folie, où personne n’est vraiment à plaindre. Tous les véhicules, agencés en convois de guerre, où chacun joue un rôle précis, regorgent de terreur, et les attaques, les explosions sont filmées avec un tel degré de virtuosité, une telle ambition dans la mise en scène, d’où se dégage quelque chose de dangereux, une tension palpable, une furie qui détruit tout, installe le chaos et transforme la course comme la survie la plus jubilatoire. Plus rien ne compte, sauf l’adrénaline, les hurlements, les vrombissements des moteurs à l’origine de ce feu, ces cascades incroyables, ces combats chorégraphiés et ultra-violents, qui constituent l’essence même de ce spectacle pyrotechnique. Les paysages, ces grandes dunes de sable, ces routes rocheuses infinies, au calme terrifiant, hantés par la mort, sont le terrain de jeu de ces fous de bagnole. Notre plaisir est immense d’assister à ce cocktail rock d’apocalypse et de modernisme puissant, jusqu’à ce que la bataille atteigne son paroxysme d’intensité, et nous rappelle une chose : on a affaire à du cinéma, du vrai. Même si l’histoire est bâclée, les dialogues absents, et les personnages, sans psychologie, c’est pas bien grave : ces prouesses techniques suffisent à elles seules, et une phrase de Max Rockatansky résume le film entier : « C’était difficile de savoir qui était le plus fou. Moi…ou tous les autres. » Comme si la violence était un choix obligatoire, une tragédie à laquelle on se donne sans vraiment la comprendre. Tout comme ces femmes rabaissées plus bas que terre, et qui se révoltent contre le monde entier, pour ne pas sombrer au fond du gouffre, fusillant au même titre que les hommes. Il y a fort à parier sur le fait qu’on ne tire aucun véritable message de George Miller, mais que c’est aussi sa volonté d’en dispenser son film. Après tout, son mastodonte est un tourbillon destructeur et guerrier où les humains s’entretuent par peur de la Fin. Mais cette fin, à quel point en sont-ils proches ? Dieu y est-il pour quelque chose ? La folie est humaine, nous murmure Max, tout comme cette journée, cette « merveilleuse journée ».

ScreenScene
8
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le 16 juil. 2016

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