C'est l'histoire d'une femme dont les rêves ne sont pas réalisables, une femme qui n'est pas en phase, une femme seule. "Madame Bovary, c'est moi" disait Flaubert, Madame Bovary c'est nous.
L'approche de Sophie Barthes est humble et impressionniste. Il s'agit pour elle de suivre le destin tragique de son héroïne, oscillant constamment entre élans de vie et replis dépressifs. Fleur bleue et neurasthénique, insatisfaite et cruelle, Emma Bovary n'est pas heureuse. Quand bien même le serait-elle qu'elle en voudrait davantage.
S'en tenant à la structure du roman de Flaubert, écartant ce qui précède le mariage ou ce qui alourdirait le récit (la maternité), la cinéaste épure et construit son film comme une succession de tableaux. Elle peint l'ennui, la Normandie humide, les élans amoureux, les déceptions.
L'immense réussite du film tient dans un casting parfait. Non seulement tous les comédiens ont l'âge des personnages qu'ils incarnent, mais ils sont tous en phase. Citons Ezra Miller, Henry Lloyd-Hugues ou Logan Marshall-Green, les trois hommes de la vie d'Emma, incarnant chacun avec beaucoup de justesse une figure masculine, un fantasme.
Mia Wasikowska évidemment, porte le film de bout en bout, habitant avec candeur et âpreté une héroïne pas vraiment sympathique, pas vraiment défendable, mais si humaine.
La dernière demi-heure est superbe, tragique, désespérée. Madame Bovary manque peut-être d'audace mais se démarque avec élégance de l'académisme qui prévaut souvent dès lors qu'on s'attaque aux monuments de la littérature.