L'idée de biopic centrée sur la maquerelle de la République est intéressante et permet de mettre en lumière le destin controversée d'une femme de l'ombre atypique. Figure incontournable de la sphère parisienne des années 50-60, Fernande Grudet, dit Madame Claude, est à la tête d'un vaste réseau de prostitution de luxe, faisant profiter politiciens, hommes d'affaires et artistes de renoms... Parallèlement, la proxénète entretient un lien étroit avec le grand banditisme et les services secrets, ce qui lui vaut par la suite de nombreux règlements de comptes et des démêlés avec la justice. C'est en tout cas ce que la réalisatrice, Sylvie Verheyde, tente de raconter via ce personnage sulfureux, prêt à tout pour réussir socialement et pour s'émanciper de la tutelle des hommes. Sa relecture féministe est portée de front par Karole Rocher, actrice selon moi trop rare, dans un rôle de pouvoir aussi monstrueux que fascinant. C'est probablement l'interprétation la plus dense de l'actrice et le point fort du film. Son aura complexe et inflexible plane dans cette belle reconstitution où les prostitués ne sont pas filmées comme des objets de fantasmes. Par contre, ses partenaires de jeu m'ont moins convaincus et ont du mal à faire le poids face à l'électrique Karole Rocher. Cette ribambelle de seconds rôles manque cruellement d'intensité et de charisme, transformant cette vie hors-normes en récit soporifique à la française. Les scènes avec Roschdy Zem, Pierre Deladonchamps, Benjamin Biolay, Hafsia Herzi ont le malheur de tomber à plat, tout comme celles avec Garance Marillier qui tient un rôle ambigu mais pas assez exploité. C'est dommage car le scénario, jonglant entre fiction et faits avérés, suscite la curiosité. Les thèmes de l'attachement, de la sexualité, du viol, des relations vénéneuses, de la mort, du pouvoir sont abordés mais auraient pu être mieux traversés, au risque de se détacher totalement de l'histoire vraie. Par exemple, la relation de Madame Claude avec sa fille unique, aurait pu, à mon sens, être au coeur du film, en contrepoids à sa quête incessante de réussite et d'indépendance. Là, on a l'impression que le film se contente d'établir une vision d'ensemble, ponctuée des coups durs et des élans de vie, mais sans jamais pousser les curseurs à fond. Sans surprises et sans éclats, Madame Claude s'apparente plus à une oeuvre télévisuelle passe-partout qu'à un cinéma d'auteur singulier. Et à l'instar d'un personnage principal aussi imprévisible, des partis pris plus extrêmes en tous points n'auraient pas été de trop...