Les premières minutes sont extrêmement effrayantes. L'ennui s'installe directement dans cette façon plate de filmer la parade nuptiale des marquis du XXVIIIè. Il reste 1h49 de film derrière, la peur vous saisit. Mais la cour du marquis à la marquise se termine en cinq minutes et l'on sent bien que le réel récit démarrera plus tard. Il faut bien se fader une bonne demi-heure avant que l'intérêt ne montre sa truffe. D'accord, les minutes d'ennui sont quelque part indispensable à notre compréhension de la suite. Mais l'ennui était bien là.
Force est de constater cependant qu'il est plus agréable de se désennuyer à mesure qu'un film avance, plutôt que de l'apprécier moyennement pour ensuite attendre impatiemment la fin. Car une fois le récit lancé, ici, ça se déroule assez naturellement, et chaque séquence est la résultante de la précédente. Ainsi, on sait toujours où l'on se trouve dans l'histoire et quand ce sera la fin, il n'y aura plus de doute.
Reste qu'il faut être client de ce texte déclamé "à l'ancienne", un style particulier qui n'est pas donné à tout le monde d'apprécier, et qui donne un aspect très surfait aux dialogues. Un certain fantasme de cette époque et de ces gentilshommes leur confère un sens du verbe difficile à considérer comme coulant de source chez qui que ce soit, à moins que ce fussent tous des génies d'éloquence. On est dans un théâtre raffiné, malgré le grand talent d'Edouard Baer et Cécile de France pour rendre cela le plus fluide, expressif et naturel possible.
De même, la mise en scène se cantonne au minimum, un petit travelling avant par-là pour un moment charnière, le choix du jour ou de la nuit selon la morosité du personnage, mais finalement peu d'expression cinématographique autre que celle issue du théâtre: les dialogues, la scénographie. On a de la jolie musique, tellement couleur locale temporelle qu'elle en est prévisible: du Vivaldi, du Scarlatti, du Vivaldi, du Bach, du Vivaldi.
L'affiche est tellement réussie en ce qu'elle est représentative du film que l'on se surprend, une fois n'est pas coutume, à se retrouver exactement devant nos *a priori*. Si vous pensez savoir ce qu'il y a dans ce film juste par son affiche, malheureusement, vous avez peut-être raison.
Le film connaît tout-de-même un succulent point culminant, celui du repas, où chacun joue un rôle dans un rôle, et où le choix d'Edouard Baer trouve toute sa justification. Dans cette scène, il nous fait bien marrer. Le but de la mascarade se trouve bien là et même si la suite est très intéressante par son propos et l'analyse des sentiments d'une classe et d'une époque aujourd'hui révolues, on n'atteindra pas ailleurs cette jubilation.
Mademoiselle de Joncquière est écrit avec efficacité mais un goût pour les bons mots qui peut faire souffler plus d'une fois, la réalisation minimaliste et un peu trop monstrative, pour donner un film pas désagréable mais qui s'oubliera sûrement très vite.
Pequignon
6
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le 16 sept. 2018

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Pequignon

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