Un film sur des strip-teasers masculins, il ne me semble pas qu'il y en ait eu depuis The Full Monty (un film qui soit sorti au cinéma, bien sûr). On ne peut même pas dire qu'il traitait vraiment du sujet puisqu'il partait de chômeurs n'ayant pas trouvé d'autre solution valable, et non de professionnels, mais le nombre d'années entre ces deux films montre bien que le sujet n'est pas exactement surexploité. Malgré ces derniers films un peu en deça de ce qu'il a pu faire de meilleur (Traffic notamment), il valait mieux un réalisateur comme lui qui fourmille d'idées que le premier yes man venu.

Magic Mike, c'est le genre de film super dur à vendre à son entourage, que ce soit avant ou après l'avoir vu. Ca donne à peu près:
"Et toi c'est quoi le dernier film que t'as vu ?
- Magic Mike, un film sur euuuh... sur une équipe de strip teaseurs masculins.
- Ah bon, et c'est bien ça ?
- Ouais ouais vraiment, ça montre leur boulot d'une façon totalement innatendue et très professionnelle, c'est bourré d'humour, vraiment, ça m'a bien surpris ! Puis c'est quand même Soderbergh, ça aurait pu être pire comme réalisateur.
- Connais pas.
- Mais si, Soderbergh... Traffic tiens, c'était génial celui-là !
- Hmmm... non pas mieux.
- Ocean's Eleven ?
- Ah, ben tu pouvais pas le dire tout de suite ? Et lui il a fait un film sur des strip-teasers, c'est pas un peu gay quand même ?
- ..."

Si vous vous trouvez dans ce genre de conversation, vous pourrez dire que le film s'adresse au moins autant au hommes qu'aux femmes. La force du film réside dans le fait que le rapport de force soit inversé par rapport à ce que l'on a pu voir des dizaines de fois au cinéma. Mais si, dans la motiié des films policiers un peu glauques, un bar, des strip teaseuses, des japonais avec de grosses lunettes qui se donnent des coups de coudes au premier rang, vous voyez tous de quoi je veux parler. Ici, ce sont les femmes qui se rendent dans un club uniquement dédié au strip tease masculin, et Soderbergh s'amuse autant à montrer l'équipe de chippendales que les réactions du public féminin, partagé entre fausse pudeur toute américaine et débauche.

Ayant vu il y a peu le fameux Showgirls de Verhoeven, qui sans être fabuleux se laisse tout à fait regarder avec beaucoup de second degré, il était facile de constater que le film de Soderberg en est un peu la version masculine, en un peu plus subtil. En fait il réunit à peu près les conditions d'un blockbuster idéal, à savoir être un formidable divertissement sans sacrifier le scénario et les personnages. Si on a en prime une critique bienvenue d'un certain malaise américain actuel, c'est pas de refus.

En effet, que faire d'un casting de mâles bodybuildés comme ceci sans que ce soit ringard (non je n'ai pas dit Expendables) ? Tout simplement les doter d'un cerveau, et c'est pas rien. Combien de films a-t-on vu opposant systématiquement les muscles à l'intelligence ? Ici Channing Tatum est utilisé de façon extrêmement judicieuse, avec clin d'oeil sur sa carrière qui commençait fort mal. Son personnage désespère de n'être vu que comme un objet par les femmes, lui qui est entrepreneur, couvreur et bricoleur de meubles à ses heures perdues. Il a de l'ambition mais se retrouve coincé dans le cliché que son métier de strip teaser bodybuildé représente pour la société. En bref, il a du mal à être pris au sérieux et on se méfie de lui alors qu'il mène une vie tout à fait honnête, et aspire par conséquent à quelque chose d'autre.
S'il est le personnage principal, il n'est pas seul pour autant puisqu'il va servir de mentor à un jeune rencontré sur son chantier, un peu glandeur sur les bords mais à l'ambition grandissante une fois initié par Mike à son milieu. Il suivra un trajet plus classique que je ne raconterai pas, mais ça n'empêche que le personnage soit bien traité.

Enfin, n'oublions pas l'immense Matthew McConaughey, simplement parfait dans son rôle de patron du club et chauffeur de salle par excelence. Son personnage bénéficie de dialogues sur mesure et souvent hilarants, lui donnant une vraie consistence en même temps que l'occasion de gentiment cabotiner, toujours dans les limites du crédible. Les relations entre ses trois personnages permettent de montrer tous les aspects du métier, avec leur lot d'engueulades, de grands projets, de coups bas et de reconciliations.

Dans l'ensemble, le film est mené à un excellent rythme, on ne voit vraiment pas le temps passer, les numéros se mêlent bien à l'histoire sans lasser, le dynamisme apporté par l'implication des acteurs n'y étant pas pour rien. Sur la technique, rien à redire, Soderbergh aime les filtres jaunes en extérieur, ça ne fait pas vraiment naturel mais ça colle assez bien à l'ambiance. A part ça, le tout est très maîtrisé, notamment quelques scènes en boîte de nuit ou de trips dûs à la drogue qui sont assez impressionnantes. On remarque pas mal de plans séquence également, souvent en plan fixe, qui aident sans qu'on s'en rende compte à bien installer les personnages(l'arrivée du jeune dans les coulisses du club est un très bon exemple).

Comme je le disais plus haut, la critique du culte du corps et l'argent, profondément ancrés dans la culture américaine, n'est jamais matraquée, elle ressort plutôt en filigrane d'un ensemble de situations comiques ou tragiques, ce qui confère un aspect complet au film. L'humour très efficace du film est juste ce qu'il fallait pour désamorcer le côté très cliché de certaines scènes (McConaughey qui demande au jeune d'évite toute blague gay à l'entraînement, parfait) et aide le film à conserver son rythme du début à la fin.

Le film n'est pas non plus exempt de tous défauts, mais rien de grave à signaler à part un petit manque d'ambition du scénario qui aurait pu aller plus loin. C'est bien pour pinailler, car en l'état j'ai déjà eu mon blockbuster surprise de l'été, bienvenu après les nombreuses déceptions enchaînées dernièrement. A ne pas rater, surtout pas à cause de préjugés défavorables, on peut que déplorer que la campagne de promotion ne soit pas à la hauteur (ça ne surprend même plus à force).
blazcowicz
7
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Créée

le 28 août 2012

Modifiée

le 29 août 2012

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blazcowicz

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