On attendait, encore, le retour de dialogues acérés, d'une vision burlesque et satirique de la société, ou au moins d'une tendre et maligne romance. Raté. On se retrouve devant un ersatz de film, tout juste bon à rejoindre la filmographie de plus en plus longue et inégale de Woody Allen. Magic in the moonlight, c'est l'histoire d'un illusionniste renommé qui cherche à démasquer une prétendue medium. Le synopsis nous fait étrangement pensé à un certain Harry Houdini : un illusionniste renommé qui a cherché toute sa vie à démasquer les prétendus mediums. D'entrée on pose l'originalité et la créativité au premier rang des préoccupations de ce film.


Colin Firth (Stanley Crawford) joue l'amoureux pathétique, insipide, transparent, au côté d'un casting tout aussi froid et peu émouvant. Il est au départ une sorte de Docteur House, un sceptique, insolent, provocateur, subversif, un anti héros vraiment charismatique... du moins les vingt premières minutes du film. Colin Firth est abandonné ensuite aux miasmes de la concupiscence, de la redondance et de la lourdeur. On peut considérer qu'il "meurt" dès ce moment là, puisque Woody s'applique à lobotomiser sans vergogne son personnage principal pour en faire un gentil toutou à sa mémère, docile, fade, plat, se réveillant dix minutes avant la fin du film dans un ultime sursaut de pathétisme pour mieux pousser le spectateur vers la sortie.


Le montage jadis percutant, aussi rythmé que les dialogues, a basculé vers une sitcom de deux heures, complètement dénuée de tout sens artistique ou rythmique. C'est comme regarder une adaptation de Friends version longue, à la belle époque. On suit Stanley et Sophie dans leur visite touristique, enchaînant les paysages estivaux les uns après les autres, voyage organisé pour club du troisième âge. Le réalisateur cherche à impressionner par une esthétique impeccablement ennuyante et un montage aussi entraînant qu'une horloge de grand-mère. Certes la photographie du film est belle, du moins autant que peut le permettre des prises de vue l'été sur la Côte d'Azur. On est proche du film de vacance, sans réelle finalité si ce n'est celle de fixer sur pellicule des souvenirs de famille. L'image est aussi lisse et stérile que l'affiche, les couleurs et la lumière sont écœurantes de propreté. C'est un beau film, c'est tout, au sens le plus terre-à-terre du terme.


De plus, le portrait de la gente féminine devient très limite, même le personnage féminin principal peine à s'illustrer par sa verve et son franc parler. Emma Stone surjoue, elle en fait des tonnes, cherchant à égaler son homologue Cate Blanchett dans Blue Jasmine. Les autre personnages illustrent plus ou moins une certaine idée du machisme et de la misogynie, ce qui est regrettable au vu de la manière si reconnaissable dont le réalisateur traite les femmes dans ses autres films. Pour dénoncer de pareils comportements il faudrait en rire, ce à quoi le film n'incite absolument pas. Pourtant Woody Allen est un maître dans l'art de ridiculiser les clichés communément répandus, seulement cette distanciation, cette prise de recul n'a pas lieu ici. l'emploi de stéréotype communément admis est présenté comme naturel, normal, et jamais remis en cause dans le film.

On peut supposer qu'il s'agit plus de remplir son quota de films avec Sony qu'une réelle proposition artistique de la part du metteur en scène. Ce n'est même pas assez nul pour être drôle, un nanar ou une caricature touchent au moins le ridicule d'assez près pour forcer un rire nerveux. Le film n'arrive même pas à être ridicule, c'est juste complètement plat et insipide. Un jeune réalisateur aurait pu commettre ce genre de fautes, mais pas cet homme encensé par la critique, considéré comme "un monstre sacré" du cinéma. Film complètement déconnecté de la réalité, petit plaisir dominical de la bourgeoise américaine ignare enfermée dans ses clichés. La France, pays du romantisme, des salauds, et du tourisme, est ici le cadre des pérégrinations interminables de Stanley et Sophie. C'est le film d'un vieux qui radote. Rien de nouveau ni d'original, ce n'est une carte postale stérile et photoshopée comparable à une publicité Channel, dans l'ensemble aussi ringard et rabaissant que possible pour l'auteur d'une pareille daube.
thibaultissaly
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le 10 févr. 2015

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