La France découvre enfin en 2006 la première œuvre d’un réalisateur hors du commun qui revendique depuis toujours « son attirance pour les gens sauvages ». Il est tourné en 16 mm, images de noir et de blanc dont la grain parfois à la limite de la saturation trahit tant la fulgurance poétique de l’univers marginal que l’épure de personnages ô combien fragiles et radieux.


Il est difficile toutefois de ne pas établir un parallèle avec « My own private Idaho », plus lyrique, plus construit, jusqu’à la troublante ressemblance de Tim Streeter avec River Phoenix. Et c’est normal, puisque à l’époque les deux scénarios étaient écrits, mais Mala Noche coûtait moins cher à mettre en œuvre. Mieux vaut appréhender les deux œuvres séparément.


Car ici, si l’homosexualité et la marginalité sont aussi le moteur du film, le traitement en est différent. Il s’y dégage une sensation extraordinaire de liberté, une désinvolture effrénée qui vient plomber la noire fatalité de leurs existences respectives.


Le récit autobiographique de Walt Curtis est posé comme une évidence, sous la forme d’un docu fiction profond, cru mais tellement pudique. Gus Van Sant filme ici l’Amériques des battus, de ceux qui hantent les petites villes dans l’anonymat (émigrés, drogués, homos…), mais qui savent nous révéler les vraies valeurs humaines, empreintes de passion, de solidarité, d’innocence et de légèreté malgré la désespérance.


Mala noche se pose également comme une ouverture à l’Opéra de Quat’sous que Van Sant ne cesse d’approfondir à travers son œuvre. Il contient un peu de la fulgurance d’Elephant, de l’introversion de Gerry, de la tendresse de My own private Idaho et de la noirceur de Drugstore cowboy. Un premier film certes, mais tellement révélateur du grand cinéaste que l’on connaît aujourd’hui.

Fritz_Langueur
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de Gus Van Sant

Créée

le 11 sept. 2014

Critique lue 567 fois

5 j'aime

1 commentaire

Fritz Langueur

Écrit par

Critique lue 567 fois

5
1

D'autres avis sur Mala Noche

Mala Noche
Vino
6

Mala noche pour l'histoire, hermosa noche pour le Cinéma

Et Gus Van Sant fut ! C’est donc en 1986 qu’il nous livre son premier long-métrage déjà porteur de bien des symptômes du cinéma indépendant américain dont il va très vite devenir The Maître. Un...

Par

le 2 mai 2014

3 j'aime

Mala Noche
LeBlogDuCinéma
10

Critique de Mala Noche par Le Blog Du Cinéma

Plus de vingt ans après sa réalisation, force est de constater que le cinéaste américain avait déjà tout d’un grand dans cette reconstitution à la fois tendre et crue d’un amour hors norme et...

le 22 sept. 2012

3 j'aime

Mala Noche
YgorParizel
6

Critique de Mala Noche par Ygor Parizel

Mala Noche est le premier long-métrage d'un réalisateur qui marquera à sa manière les années 90 et 2000, Gus Van Sant. Il s'agit d'un récit qui lui ressemble, préparant clairement le terrain pour ses...

le 1 août 2023

1 j'aime

Du même critique

Ni juge, ni soumise
Fritz_Langueur
8

On ne juge pas un crapaud à le voir sauter !

Ce n'est pas sans un certain plaisir que l'on retrouve le juge d'instruction Anne Gruwez qui a déjà fait l'objet d'un reportage pour l'émission Strip-tease en 2011. Sept ans après, ce juge totalement...

le 12 févr. 2018

59 j'aime

7

120 battements par minute
Fritz_Langueur
10

Sean, Nathan, Sophie et les autres...

Qu’il est difficile d’appréhender un avis sur une œuvre dont la fiction se mêle aux souvenirs de mon propre vécu, où une situation, quelques mots ou bien encore des personnages semblent tout droit...

le 24 août 2017

56 j'aime

10

Tale of Tales
Fritz_Langueur
9

La princesse aux petites poisses...

Indiscutablement « Tale of tales » sera le film le plus controversé de l’année 2015, accueil mitigé a Cannes, critique divisée et premiers ressentis de spectateurs contrastés. Me moquant éperdument...

le 3 juil. 2015

48 j'aime

11