Biopic politique

Tout le monde s’attendait à un réquisitoire contre l’Amérique, et Spike Lee surprend tout son monde avec un biopic beaucoup plus nuancé que prévu. Sans perdre le fil de son sujet, il dépeint un personnage complexe, et qui évolue sans cesse, pour passer de la rue à la salle de conférence, de petit voyou à leader d’opinion puis au politique engagé. Un homme remplit de doutes, qui commet des erreurs, un homme quoi, pas une icône. Raconter le parcours du nègre le plus « dangereux » des Etats-Unis, ce n’était pas une sinécure, Spike étant lui-même engagé politiquement, il aurait pu se prendre dix fois les pieds dans le tapis. Heureusement, il a un Denzel Washington qui fait une énorme prestation d’acteur, très pro, et il arrive à faire une reconstitution énorme elle aussi, jusqu’à aller filmer le pèlerinage à la Mecque. Il n’essaie pas d’en mettre plein la vue, avec une distance critique qui laisse à penser que c’est une des meilleures périodes de monsieur Lee. Allier comédie, humour, précision des faits, réalité brutale, positionnement politique assumé. Il n’est pas béat d’admiration, mais se comporte comme un biographe inspiré, qui ne fait aucune concession à son art, la fiction est aussi importante que la véracité et le sérieux des faits, la narration est sans faille, on regarde le tout avec un plaisir coupable de cinéphile. A la fois documentaire fictif et œuvre artistique qui porte la marque du style Lee, c’est le signe d’un bon biopic.