En sortant de Conjuring 3, je mettais sa médiocrité sur l’absence de James Wan à la réalisation. De ce fait, j’étais enchanté qu’il se lance à nouveau dans le cinéma d’épouvante avec cette création originale, sauf que…


...Ça commence mal


La scène d’introduction de Malignant est inquiétante. Nous sommes en 1993, c’est le chaos dans un immense institut surplombant la mer. Un patient est en fureur, décimant toutes les personnes derrière une porte où se reflète une lumière rouge. La responsable réussit à le mettre hors d’état de nuire. Face à ce monstre tapi dans l’ombre, elle déclare “il est temps d’éliminer le cancer!” avec une intonation de voix prêtant à sourire, nous donnant l’impression d’être dans une parodie.


Après ce moment tragique pour nos cinq sens, on se retrouve de nos jours dans une charmante demeure où Madison (Annabelle Wallis) rentre trop tôt du travail, empêchant son adorable mari de mater tranquillement le catch. Le fait qu’elle soit enceinte n’est pas une excuse valable. Elle devrait pourtant savoir qu’il est primordial dans notre société, de privilégier le bien être du mâle pour la survie de l’humanité. Cette intrusion sera sévèrement punie. Elle va avoir des conséquences effroyables, autant pour les protagonistes que pour les spectateurs.trices.


Les nuits rouges de Seattle


Après son inquiétante introduction, on va assister à une suite d’incohérences, de dialogues insipides digne des téléfilms du début d’après-midi de TF1 ou M6 avec des révélations du type “Je ne suis pas ta sœur”, qui donne l’impression d’être dans une parodie ou un soap selon la situation. Pire, on nous explique même ce qu’on vient de voir à l’écran, au cas où on aurait pas compris, comme dans Law & Order, car on est un peu con (pas tout à fait faux). Il faut dire que le duo de flics sous-doués n’aident pas avec le pseudo beau gosse qui fait fondre la légiste, ainsi que la (pas) sœur de la victime et la collègue constamment sur les nerfs, ce qui est sûrement dû à son abus de café, vu qu'elle a constamment un gobelet en mains. Auparavant, on a brièvement aperçu un mari violent, aussi subtil que la mise en scène de James Wan.


Dans Sinister puis The Conjuring, James Wan pouvait s’appuyer sur un sympathique casting avec Ethan Hawke, Juliet Rylance, Vera Farmiga et Patrick Wilson, ainsi qu’un supporting cast des plus correct. Ce n’est pas le cas avec Malignant. Il n’y a pas un seul.e acteur.trice valable. Ils n’ont aucun charisme, ni même une étincelle dans le regard pouvant nous laisser croire qu’un feu sommeille en eux et qu’il va nous exploser à la face comme Sinok. Ils font juste acte de présence, comme un bachelier en fond de classe affalé sur son bureau, attendant que la sonnerie ne le libère de ce moment de souffrance.


Même le boogeyman ne convainc pas. Il avance tel Sadako, du moins au premier abord, avant un volte/face des plus grotesque. Lors des scènes d’action, il est en CGI, ce qui n’arrange pas son cas, tant cela donne le sentiment d’être dans un mauvais nanar de type Sharknado. Il est déroutant avec ses capacités surhumaines, ainsi qu’un talent pour s’exprimer à travers les ondes hertziennes et à faire imploser tout ce qui est de type électrique, comme s’il avait des pouvoirs. Décidément, cette mode de super-héros semble se retrouver dans l’ensemble des œuvres actuelles, telle Frances McDormand dans Nomadland qui a le talent de ne pas se maquiller et de déféquer à l’écran pour satisfaire les aficionados de cinéma vérité.


Le cauchemar de James Wan


Malignant ressemble à une parodie horrifique chaotique, résultant d’une nuit cauchemardesque de James Wan après un marathon Mulholland Drive, Ring, Les Goonies, Scream puis Soeurs de sang saupoudré à la sauce Giallo façon Telenovela, un sacré bordel!


A son réveil, il est persuadé de détenir une œuvre originale et magistrale. Entre deux navets Aquaman, il décide de mettre son cauchemar en images pour l’offrir aux simples mortels.


C’est là que le bât blesse. De nos jours, le cinéma repose principalement sur une idée où un produit déjà existant, comme les Marvel, DC Comics, Star Wars, etc… C’est comme du Stephen King; qui est aussi un des produits les plus adaptés, principalement en série; il y a une excellente idée puis autour, pas grand chose. Sauf que l’idée repose sur une révélation plus risible que renversante. On se demande si ce bon vieux James Wan ne s’est pas fait quelques rails de coke durant son marathon cinématographique, en compagnie de Akela Cooper et Ingrid Bisu.


Dans un rare moment de lucidité, il s'écrie “C’est quoi ce bordel!”, au travers du personnage de la policière (Michole Briana White), ce qui résume parfaitement mon état d’esprit durant et après la séance. Elle semble être une extension de James Wan. Elle va aussi faire preuve d’une rare clairvoyance au sujet du boogeyman, en le nommant Sinok, ce qui est des plus drôle. Malheureusement, ce ne sont que des gouttes de sang dans le naufrage de Malignant.


En l’absence d’un scénario, on espère pouvoir se réconforter avec la mise en scène de James Wan, grâce à sa capacité à prendre le temps d’instaurer une atmosphère angoissante. Mais depuis Sinister et Conjuring, il s’est perdu dans les grosses machines rutilantes et insipides de Fast and Furious et Aquaman. Il procède comme dans ces deux films, en nous jetant son hideuse créature ridicule en pleine face, qui va en faire des caisses en enquillant les cadavres au sein d’un commissariat. Le jeu de massacre sanguinolent aurait pu se révéler jouissif, mais il ne fait que démontrer la chute d’un réalisateur dont le sommet fût les deux longs métrages cités auparavant.


Enfin bref...


Malignant est un film d'épouvante déconcertant. On passe par différentes étapes, du rire nerveux aux bâillements, en passant par le désespoir. Le film repose essentiellement sur sa révélation. Elle est si décevante que la souffrance subie depuis la première minute ne sera jamais atténuée. Son absence d’une atmosphère angoissante, d’une mise en condition et de frayeurs ne permet pas d’accrocher à cette histoire.


James Wan s’est offert une pause entre deux blockbusters, tel Joss Whedon entre deux Avengers avec le tout aussi décevant Beaucoup de bruit de rien. Ce sont des faiseurs, se prenant pour des auteurs mais qui ne sont pas à la hauteur de l’image qu’ils ont d'eux-mêmes. Ils ont eu leurs heures de gloire, restez en paix.

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le 6 sept. 2021

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Laurent Doe

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